« Zoom fatigue » : c’est quoi et comment y remédier ?

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La pandémie de Covid-19 a mis un coup d’accélérateur au télétravail, et, a fortiori, aux réunions à distance via des logiciels comme Zoom, Microsoft Teams ou encore Skype, bien plus utilisées qu’avant.

Qu’est-ce que le syndrome de « Zoom fatigue » ?

Malheureusement, si elle permet de se réunir à distance, la visioconférence n’a pas que des avantages. Elle entraînerait notamment une certaine fatigue, que les étudiants ne connaissent désormais que trop bien. Dans le langage courant, le terme anglais de « Zoom fatigue » est même apparu.

Dans un article, le chercheur Jeremy Bailenson met en lumière les dangers de Zoom

Désireux d’étudier le phénomène et de donner des solutions concrètes aux télétravailleurs, le professeur de communication Jeremy Bailenson, fondateur du Stanford Virtual Human Interaction Lab (États-Unis) a publié une étude à ce sujet, dans la revue Technology, Mind, and Behavior de l’American Psychological Association.

Le chercheur en communication a alors identifié quatre conséquences de la participation quotidienne à des visioconférences, qui contribuent à ce phénomène de « fatigue liée à Zoom », ou « Zoom fatigue ». Loin de vouloir dénigrer ces nouveaux outils de réunion en distanciel, le chercheur souhaite avant tout en révéler les désavantages, et suggérer des solutions pour en limiter les méfaits sur la santé physique et psychique.

La visioconférence est une bonne chose pour la communication à distance, mais réfléchissez simplement au support – ce n’est pas parce que vous pouvez utiliser la vidéo que vous devez le faire, a souligné Jeremy Bailenson.

Zoom fatigue : un contact visuel excessif

Dans une réunion classique, en présentiel, nos yeux sont rivés sur l’intervenant principal, celui qui orchestre la réunion. Nous pouvons également prendre des notes ou même nous autoriser à regarder ailleurs un instant. Mais lors d’une réunion à distance via Zoom, Skype ou encore Microsoft Team, si chacun laisse sa vidéo en marche, nous nous regardons tous les uns les autres, en permanence ou presque. La quantité de contacts visuels est considérablement augmentée. Quant à la taille des visages sur les écrans, elle est loin d’être naturelle.

« En général, pour la plupart des configurations, qu’il s’agisse d’une conversation en tête-à-tête lorsque vous êtes avec des collègues ou même des inconnus en vidéo, vous voyez leur visage à une taille qui simule un espace personnel que vous rencontrez normalement lorsque vous êtes dans l’intimité avec quelqu’un », a souligné Jeremy Bailenson.

Pour caricaturer, lorsque le visage de quelqu’un est très proche du nôtre dans la vie réelle, notre cerveau l’interprète comme une situation intense menant soit au conflit soit à la reproduction. Aussi, le fait d’utiliser Zoom ou toute autre plateforme de visioconférence pendant plusieurs heures va fatiguer notre cerveau.

Que faire pour l’éviter ?

Le chercheur recommande, en attendant que les interfaces de visioconférences proposent un usage moins fatigant, de réduire la taille de la fenêtre afin de diminuer le visage de l’interlocuteur, et d’utiliser un clavier externe à l’ordinateur pour augmenter la distance entre soi et l’écran.

Zoom fatigue : se voir en permanence à la caméra épuise

La plupart des logiciels de visioconférence affichent un petit écran de ce que voit la caméra de l’ordinateur, autrement dit de nous-mêmes. Or, il n’y a rien de moins naturel que de se voir en permanence, même via une petite fenêtre en bas de l’écran.

« Dans le monde réel, si quelqu’un vous suivait constamment avec un miroir – de sorte que pendant que vous parliez aux gens, que vous preniez des décisions, que vous faisiez des commentaires, vous vous voyiez dans un miroir, ce serait complètement fou. On n’envisagerait jamais cela », a souligné le chercheur, qui précise que des études ont révélé que le fait de voir son propre reflet rendait plus critique envers soi-même.

Que faire pour éviter cela ?

Désactivez votre vidéo, au moins lorsque vous ne parlez pas, si vos interlocuteurs sont d’accord, ou parlez-en avec eux. D’autant que cela améliore la qualité de la conversation puisque ça libère de la bande passante et diminue les bugs.

Si votre interlocuteur souhaite vous voir, vérifiez d’abord que vous êtes bien dans le cadre, puis cliquez sur « masquer la vidéo » afin de ne plus vous voir sans désactiver la caméra pour autant.

Autre symptôme : les tchats vidéo réduisent la mobilité naturelle

Qui n’a jamais vu quelqu’un au téléphone faire les cent pas, se balader, ou au contraire s’asseoir confortablement ? Cette mobilité est possible avec une conversation téléphonique, même de la plus haute importance, alors qu’elle est plus restreinte lors d’une visioconférence. Même si l’on utilise son smartphone, le champ de la caméra est restreint, ce qui limite les possibilités. Sur l’ordinateur, cela demande à être quelque peu statique. Sans parler de la nécessité d’avoir une bonne connexion, qui implique souvent de rester à son domicile, à portée de sa box internet ou du Wifi. Dommage, surtout quand on sait que le fait de bouger permet de mieux fonctionner sur le plan cognitif, assure Jeremy Bailenson.

Quelle solution ?

Le chercheur en communication suggère de réfléchir davantage à la pièce dans laquelle on est en visioconférence, à l’emplacement de la caméra, aux outils utiles pour mettre de la distance entre soi et l’écran ou pour augmenter sa mobilité. Ce peut être un clavier et une souris portables externes, une chaise de bureau, une webcam externe… Et bien sûr la mise en place de pauses non verbales où l’on coupe sa vidéo.

Une charge cognitive plus élevée qu’en présentiel

Jeremy Bailenson note que lors d’une interaction sociale en face-à-face, la communication non verbale s’effectue assez naturellement, et chaque individu fait et interprète gestes et signaux non verbaux sans peine, inconsciemment. En revanche, lorsque l’on participe à un tchat vidéo, cette communication non verbale passe moins bien, et il faut alors faire des efforts conscients pour envoyer et recevoir ses signaux.

Lorsque vous êtes en conversation vidéo avec quelqu’un, « vous devez vous assurer que votre tête est bien au centre de la vidéo. Si vous voulez montrer à quelqu’un que vous êtes d’accord avec lui, vous devez faire un signe de tête exagéré ou lever le pouce. Cela ajoute une charge cognitive », souligne-t-il. Terminée également la communication non verbale spontanée avec un collègue, du coin de l’œil. Pour communiquer en « off » avec un participant à la visioconférence, on n’a pas d’autre choix que d’ouvrir un tchat privé ou de communiquer par mail ou SMS, ce qui est bien plus long et qui permet en spontanéité.

Que faire alors pour diminuer cette charge cognitive ?

S’il s’agit d’une longue réunion en distanciel, accordez-vous une pause, en utilisant uniquement l’audio. « Il ne s’agit pas simplement d’éteindre votre caméra pour ne pas avoir à être actif de manière non verbale, mais aussi de détourner votre corps de l’écran », a détaillé Jeremy Bailenson, « de sorte que pendant quelques minutes, vous ne soyez pas étouffé par des gestes qui sont perceptuellement réalistes mais dénués de sens social ».

Le questionnaire « Zoom Exhaustion & Fatigue Scale » ou « ZEF Scale »

Avec son équipe du Stanford Virtual Human Interaction Lab mais aussi d’autres chercheurs en communication du Stanford Social Media Lab, ont mis au point une échelle de la « Zoom fatigue ». Cette échelle, qui fait suite à des demandes de la part d’entreprises et d’institutions, vise à mesurer la fatigue éprouvée par les télétravailleurs, les élèves ou les étudiants du fait de réunions en visio. En cours d’évaluation, cette échelle, appelée « Zoom Exhaustion & Fatigue Scale », ou ZEF Scale, comprend 15 questions, et a déjà été testée auprès de plus de 500 personnes. Parmi les questions posées, on trouve notamment les suivantes :

  • À quel point vous sentez-vous épuisé après une visioconférence ?
  • À quel point vos yeux sont-ils irrités après une vidéoconférence ?
  • Dans quelle mesure avez-vous tendance à éviter les situations sociales après une visioconférence ?
  • À quel point vous sentez-vous épuisé émotionnellement après une vidéoconférence ?
  • À quelle fréquence vous sentez-vous trop fatigué pour faire autre chose après une vidéoconférence ?

Les résultats de cette échelle et des études menées grâce à cet outil permettront d’aider à améliorer les logiciels ainsi que les pratiques relatives aux visioconférences, pour le bien-être de tous ceux qui y ont recours.



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