Travail en horaires décalés : comment préserver sa santé ?

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travailleur de nuit

En France, 5 à 6 millions de personnes se lèvent à 4 heures du matin pour partir au travail, rentrent au milieu de la nuit ou au petit matin après une garde nocturne. Ces salarié.e.s en horaires décalés sont des conducteurs ou conductrices de transports, des pompiers, pompières, policiers, policières, aides-soignant.e.s, ouvriers, ouvrières… et sont exposé.e.s à davantage de risques que des travailleurs et travailleuses qui ont des horaires standards.

Standards, atypiques : quels sont les différents rythmes de travail ?

« Les horaires de travail standards correspondent aux configurations suivantes : cinq jours réguliers par semaine du lundi au vendredi, horaires compris entre 7 et 20 heures, avec deux jours de repos consécutifs hebdomadaires », indique l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) (source 1).

Les horaires atypiques, eux, correspondent aux aménagements du temps de travail qui ne sont pas standards. Ils comprennent :

  • « le travail de nuit (de 21 heures à 6 heures du matin),
  • les rythmes de travail irréguliers ou cycliques (travail posté en 3×8 ou 2×12 le plus fréquemment),
  • le travail le soir (entre 21 heures et minuit),
  • le travail le week-end (samedi, dimanche) et jours fériés,
  • le travail flexible, selon des amplitudes de journée variables : à temps partiel moins de 6 heures par jour, en horaires longs (plus de 40 heures par semaine),
  • les journées fragmentées par des coupures de plusieurs heures,
  • le travail sur appel ou astreintes… », liste l’INRS.

C’est quoi le travail en 3×8 ?

Il s’agit de la forme la plus connue de travail en horaires décalés, c’est-à-dire trois équipes différentes qui se relaient sur le même poste pendant 24 heures du lundi au vendredi.

Le problème du travail en horaire décalé : une baisse de vigilance

Lors des postes de nuit, l’envie de dormir conduit à une forte somnolence vers les deux à trois heures du matin. La concentration est difficile, on a tendance à « rêvasser », à être moins attentif aux informations de son environnement. Les erreurs d’appréciation et les mauvaises manipulations s’accumulent.

« Les accidents du travail surviennent fréquemment de nuit », constate Marie-Anne Gautier, médecin du travail et experte médicale chargée des horaires atypiques et du travail de nuit à l’INRS.

La baisse de vigilance entraîne aussi une hausse des accidents de la circulation qui surviennent avant de se rendre à son travail, tôt le matin, ou lors du retour après un poste de nuit.

Ce qu’il faut faire :

  • Raideurs dans la nuque et le cou, picotement des yeux, sensation de paupières lourdes, bâillements répétés, tête lourde, sont autant de signaux à ne pas prendre à la légère ;
  • Travailler dans un endroit doté d’un éclairage lumineux sans être agressif, éviter les endroits surchauffés et profiter des pauses de 20 minutes toutes les quatre heures prévues par le Code du travail pour se reposer permet de prévenir cette somnolence ;
  • L’occasion de se laisser aller à une vraie sieste de 15 minutes pour retrouver ses forces ou à une microsieste de 5 à 10 minutes, un temps de relaxation plutôt que de sommeil.

Le problème du travail en horaire décalé : des troubles du sommeil

Être exposé.e à la lumière artificielle au cours de la nuit fait disparaître le pic de mélatonine, hormone qui favorise l’endormissement. Cela dérègle l’horloge interne du travailleur en horaire décalé, qui dort en moyenne une à deux heures de moins par nuit et accumule un déficit chronique de sommeil. En outre, le sommeil est moins récupérateur en journée.

Ce qu’il faut faire :

Si l’on travaille de nuit, l’objectif est de favoriser un sommeil récupérateur alors que le jour s’est levé. Pour cela, le rituel du coucher de chacun.e doit être respecté.e.

Le Dr Gautier propose de :

  • Prendre une douche pour abaisser la température du corps et aider l’endormissement ;
  • Se détendre au moins une heure avant d’aller au lit, avec une lecture reposante ou une tisane.

Il faut aussi essayer de recréer les conditions de la nuit dans la chambre, avec une température autour de 18 °C, des rideaux ou stores bien occultants, et des bouchons d’oreilles si l’on est sensible au bruit.

Les travailleurs et travailleuses du matin, en poste de 6 heures jusqu’à 14 heures par exemple, pourront faire une petite sieste de 30 minutes en rentrant à la maison, mais pas plus ! « Sinon ils ou elles risquent d’avoir du mal à fermer les yeux au moment du coucher qui ne doit pas être trop tardif, aux alentours de 22 heures ».

La lumière favorisant la régulation de l’horloge interne, il est conseillé, quels que soient ses horaires, de profiter de l’après-midi pour faire un tour dehors, selon les besoins et l’emploi du temps de chacun.e.

Le problème du travail en horaire décalé : plus d’anxiété, de dépression

La désynchronisation de l’horloge biologique (rythme circadien) causée par l’exposition à la lumière artificielle la nuit est aussi source de troubles de l’humeur. Elle accélérerait même le déclin cognitif.

« Chez des personnes ayant effectué plus de dix ans de travail de nuit, nous avons observé une diminution de la mémoire, de l’attention et de la réactivité, qui correspond à un vieillissement naturel de six ans et demi », explique Jean-Claude Marquié, chercheur du CNRS à Toulouse qui a publié ces résultats.

Cet effet dure dans le temps, mais la bonne nouvelle est qu’il est réversible, s’estompant en moyenne au bout de cinq ans après avoir arrêté de travailler en horaires décalés. La personne récupère alors les capacités cognitives liées à son âge.

Ce qu’il faut faire :

  • « Garder une vie équilibrée en termes de sommeil, d’alimentation, d’exercice physique, toutes ces habitudes permettent également de prévenir l’anxiété et la dépression », souligne Marie-Anne Gautier ;
  • Avoir du temps l’après-midi quand personne n’est à la maison est aussi une aubaine pour s’occuper de soi, et prendre le temps de se faire plaisir avec bon livre, un ciné ou une visite à un.e ami.e.

Autre problème : un risque accru de maladie cardiovasculaire

Ce risque est associé à une tendance à prendre du poids, le manque de sommeil favorisant l’appétit, ainsi qu’à une hausse du cholestérol et de l’hypertension chez ces travailleurs et ces travailleuses. Lors du poste de nuit ou du matin, les salarié.e.s prennent souvent une collation qui correspond à 20 % de leurs besoins en apports alimentaires journaliers.

« Travailler en horaires décalés demande au corps de mobiliser plus d’énergie. Les travailleurs et travailleuses choisissent de préférence des aliments gras ou sucrés. Cela a pourtant un effet contraire, car le sucre endort », rappelle Laurence Haurat, psychologue nutritionniste.

Ce qu’il faut faire :

Maintenir trois repas par jour aide à conserver un rythme régulier et à synchroniser son horloge interne. Mais ce n’est pas toujours possible. Pour les hôtesses de l’air ou les stewards par exemple, qui changent sans cesse d’horaires en fonction de leurs vols, c’est quasi-mission impossible !

La solution est d’écouter ce que le corps nous dicte et manger lorsqu’on a faim, quitte à fractionner ses repas, affirme Laurence Haurat. Cela aide également à conserver la convivialité des repas partagés, car on peut s’asseoir à table avec sa famille même si l’on mange seulement peu de salade de tomates et un bout de fromage.

Pour ne pas grossir et garder un cœur en bonne santé, il faut plus encore que les autres donner la part belle aux légumes et bouger au moins 30 minutes par jour, une heure le week-end ou les jours de congés.



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