Syndrome de Münchhausen : qu’est-ce que c’est ?

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Définition : qu’est-ce que le syndrome de Münchhausen ?

Ce syndrome tire son nom du Baron de Münchhausen, un personnage fantasque et affabulateur du 18e siècle. Aujourd’hui, les psychiatres utilisent plutôt le terme de «trouble factice» pour désigner le fait que des patients s’inventent des maladies (soit en les simulant soit en se rendant malades) ou les provoquent volontairement chez des proches. On parle alors de syndrome de Münchhausen par procuration (SMPP). « Quand un enfant est concerné, cela peut aller jusqu’à de la maltraitance gravissime », observe Eric Binet, psychologue clinicien et maître de conférences à l’Ecole de Psychologues Praticiens (Paris). 

Un trouble qui conduit au nomadisme médical

Que le syndrome soit dirigé vers sa propre personne ou infligé à autrui, le scénario est toujours le même. Pour faire reconnaître les symptômes, la personne se lance dans un « nomadisme médical » effréné, selon l’expression d’Eric Binet. Passant d’un médecin à l’autre, elle multiplie les examens, les traitements, voire les interventions chirurgicales. Le corps médical y perd son latin. Chaque histoire est une véritable énigme. 

Le Dr Antoine Bérar exerce en médecine interne au CHU de Rennes, un service spécialisé dans les diagnostics difficiles. Il se souvient d’un patient souffrant d’une fièvre persistante et inexpliquée. L’homme déjouait tous les pronostics. « Il a été pris en charge dans le service des maladies infectieuses. On a eu l’impression que tout rentrait dans l’ordre, mais la fièvre revenait toujours. Nous avons poursuivi les investigations. Toujours pas d’explications. On a fini par suspecter qu’il manipulait lui-même le thermomètre. La fièvre a disparu une fois que la température était mesurée sous surveillance directe des infirmières. »

Avec d’autres collègues internistes, le Dr Bérar a isolé et analysé 49 dossiers médicaux de patients soignés au CHU de Rennes entre 1995 et 2019 et correspondant aux critères du «trouble factice imposé à soi-même». Leur étude, publiée le 23 novembre 2021 dans BMC psychiatry, visait à mieux connaître les manifestations de ce trouble afin d’améliorer le repérage des patients. Car toute la difficulté est bien là : percer à jour de faux malades défiant la médecine avec des symptômes inexpliqués.

Devant de telles difficultés, il ne fait aucun doute pour le Dr Bérar que le syndrome de Münchhausen reste un continent à explorer. 

Combien de cas de trouble factice ?

« La difficulté de poser un diagnostic fait que nous n’avons pas de chiffres fiables de prévalence. Le nombre de cas est très probablement sous-estimé », constate-t-il. 

Il est tout aussi difficile d’évaluer le nombre de victimes du syndrome de Münchhausen par procuration (SMPP). Au vu de la littérature scientifique, Eric Binet estime la prévalence à 1 cas pour 100 000 enfants. Mais l’expérience qu’il a acquise dans ce domaine lui permet de rehausser ces chiffres à « un ou deux cas par an sur un millier de familles suivies dans des modes de garde de la petite enfance. » 

Münchhausen, un syndrome qui touche principalement les femmes

La maladie sous toutes ses facettes (trouble factice imposé à soi-même ou syndrome de Münchhausen par procuration) touche principalement les femmes. Celles-ci représentent 73,5 % des dossiers sélectionnés par Antoine Bérar et ses collègues. 

Même constat dans le SMPP : « Dans la littérature médicale, 90 % des cas concernent des mères », observe Eric Binet. La victime est, dans deux tiers des cas, un enfant de moins de deux ans, avec un taux de mortalité évalué entre 6 et 10 %. Plus rarement, le souffre-douleur est le conjoint, un frère ou une sœur, voire un animal de compagnie trimballé de vétérinaire en vétérinaire.

« À chaque fois, la personne a la conviction que l’autre est malade et a besoin de soins », résume Eric Binet.

Les professionnels de santé, des personnes à risque

Pour simuler des maladies et s’inventer des symptômes qui n’existent pas, il faut avoir quelques connaissances médicales. C’est ce qui explique que, dans la littérature scientifique, une part importante des personnes atteintes du syndrome de Münchhausen (ou par procuration) exercent une profession de santé. Mais ce qui était vrai il y a quelques années ne l’est plus forcément aujourd’hui. Dans leurs dossiers, le Dr Bérar et ses collègues retrouvent près de 50 % de professionnels de santé, un pourcentage moins élevé que dans des études plus anciennes. Pour l’expliquer, les internistes du CHU de Rennes notent que l’information médicale est, de nos jours, accessible à un large public grâce à internet. En ce qui concerne le SMPP, Eric Binet souligne un biais statistique : « La majorité des mères concernées sont des mythomanes, rappelle-t-il. Une profession médicale ou paramédicale est souvent rapportée dans leur dossier. Mais en général, personne ne l’a vérifié. »

Des traumatismes à l’origine du syndrome de Münchhausen

Comment expliquer ce besoin de simuler une maladie ? Il est certain que ces vrais/faux patients cherchent à attirer l’attention. Pour autant, l’explication est un peu courte. Les véritables causes du syndrome de Münchhausen restent difficiles à cerner.

Dans le SMPP, « il n’y a pas de consensus sur le profil des mères concernées », remarque Eric Binet qui, au vu de sa pratique, penche pour l’hypothèse d’un trouble dissociatif : « Ces femmes sont dans l’incapacité d’aimer leur enfant sans le soigner. C’est comme si une partie d’elles-mêmes était soignante et l’autre partie normale. Elles arrivent à passer d’une identité à l’autre. Même confrontées à un enregistrement vidéo où on les voit étouffer leur enfant, ces mères soutiennent qu’elles ne sont pas en cause ! »

La plupart ont une histoire familiale chaotique. Certaines ont été confrontées à des deuils compliqués qui les ont profondément traumatisées. « Elles développent une sorte de pensée magique en se disant que si cette personne avait été mieux soignée, on aurait pu la sauver », explique Eric Binet. D’où le recours frénétique aux soins médicaux. 

De son côté, Antoine Bérar n’était pas en mesure de retracer l’histoire personnelle cachée derrière chaque dossier médical étudié. Seule certitude, près de 60 % des patients avaient des antécédents de dépression. Environ 18 % avaient eu un diagnostic de trouble de la personnalité, « c’est probablement beaucoup plus », estime l’interniste. Une personne sur quatre avait fait une tentative de suicide.

Le diagnostic de syndrome de Münchhausen compte parmi les plus difficiles à établir. Dans ce domaine, les médecins marchent sur des œufs. « Face à des symptômes que personne ne peut expliquer, le diagnostic de trouble factice est posé avec beaucoup de précautions. Le médecin ne doit pas se sentir heurté quand il découvre la supercherie. Il ne doit pas non plus stigmatiser ou culpabiliser le patient », explique le Dr Bérar. 

Poser ce diagnostic peut prendre du temps car les patients emploient de nombreux stratagèmes. Parmi les plus connus, on retrouve les injections d’insuline pour déclencher des crises d’hypoglycémie. Certains n’hésitent pas à se faire saigner, de manière répétée, afin de provoquer des anémies par carence en fer. Mais tous les subterfuges sont possibles. Dans l’étude du Dr Bérar, plus de 24 % des patients se plaignent de problèmes dermatologiques (lésions cutanées provoquées intentionnellement) ou neurologiques (perte de connaissance…). Neuf personnes ont même été hospitalisées en soins intensifs. « Deux d’entre elles avaient induit une septicémie (infection généralisée, NDLR). Elles s’en sont sorties, mais elles avaient mis leur vie en danger », remarque l’interniste.

Comment repérer chez un enfant le syndrome de Münchhausen par procuration ?

Dans le syndrome de Münchhausen par procuration, beaucoup de victimes échappent à la vigilance des professionnels de santé. Comme le remarque Eric Binet, « les médecins ont du mal à imaginer qu’on se serve d’eux pour maltraiter un enfant. » Tous les signes d’alerte doivent être pris en compte. « Souvent les pères sont absents ou tenus éloignés des soins de l’enfant », observe le psychologue. 

Dans des recommandations de bonne pratique publiées en 2014, la Haute autorité de santé tente de lister les points de vigilance ou les situations à risque, par exemple :

  • les symptômes de l’enfant ne sont signalés que par un des deux parents et ils n’apparaissent qu’en sa présence ;
  • de façon totalement inexpliquée, l’enfant ne répond pas au traitement qui lui a été prescrit ou son histoire médicale n’est pas vraisemblable ;
  • le parent suspecté multiplie les avis médicaux et les conteste systématiquement. 

Traitement : peut-on soigner le syndrome de Münchhausen ?

Comment soigner le trouble factice imposé à soi-même ?

Lorsqu’ils sont mis en face de leurs contradictions, les patients souffrant de trouble factice nient farouchement les faits. « C’est une réaction constante dans notre étude », souligne Antoine Bérar. Pour sa part, Eric Binet est confronté à « des mères sur la défensive, qui font tout pour éviter la confrontation ».

À partir de là, toute la difficulté consiste à leur faire admettre leur trouble psychiatrique et à accepter des soins. Parmi les dossiers du Dr Bérar, 45 % sont revenus dans le CHU en raison du syndrome de Münchhausen, mais 30 % ont été perdus de vue. 

Autre difficulté : quelle prise en charge leur proposer ? Il n’y a ni recommandations ni consensus sur ce sujet. « La plupart du temps, les patients ne relèvent pas de soins psychiatriques immédiats. L’idéal serait de les suivre au long cours, en ambulatoire. Mais souvent, le patient rompt ce suivi car il n’en ressent pas le besoin », souligne l’interniste.

Comment prendre en charge le syndrome de Münchhausen par procuration ?

La situation est complètement différente dans le syndrome de Münchhausen par procuration. Face à un enfant maltraité, il y a urgence à intervenir. Pour Eric Binet, il est indispensable que les situations les plus graves soient signalées à la justice : « Pour protéger l’enfant, de plus en plus de juges des enfants délèguent l’exercice de l’autorité parentale sur le plan médical à l’Aide sociale à l’enfance. Mais ce recours à la loi n’est pas encore suffisant ». Le juge peut aussi ordonner une séparation totale de la mère et de l’enfant. 

Un suivi psychologique est nécessaire pour aider ces enfants-victimes à se reconstruire. Là encore, il n’y a pas de parcours balisé. Eric Binet, par ailleurs président de l’Association francophone du trauma et de la dissociation, propose des séances d’EMDR (Eye Mouvement Desensitization and Reprocessing, ou psychothérapie par mouvements oculaires) qui a prouvé son efficacité dans le stress post-traumatique. « Nous adaptons les protocoles à ces enfants hyper-vulnérables avec une approche très douce, en évitant d’être trop centré sur le traumatisme », précise-t-il. 

Les mères nécessitent, elles aussi, un accompagnement spécialisé. Dans tous les cas c’est, selon Eric Binet « un long travail » qui commence.



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