On a tous et toutes en mémoire le souvenir d’un livre si palpitant, si prenant, qu’il nous laissait dans un état second, avide de le lire, accro jusqu’à ne plus dormir. Les bruits alentours allant même jusqu’à disparaître, comme si l’on disparaissait dans l’univers du livre, loin du quotidien.
On parle ici de “dissociation normative : une absorption cognitive totale, caractérisée par une conscience de soi diminuée et un sentiment d’action réduit”, indiquent des chercheurs de l’Université de Washington (États-Unis).
Dans une nouvelle étude, parue dans la revue ACM Digital Library (Source 1), l’équipe de recherche s’est penchée sur l’addiction aux réseaux sociaux, caractérisée par le fait de faire défiler des pages et des pages, vidéos après vidéos, sur Twitter, Instagram, Facebook ou encore Tik Tok.
L’équipe a demandé à 43 utilisateurs de Twitter d’utiliser une application appelée Chirp, connectée à leurs comptes Twitter, pendant un mois. Lors de chaque session, après trois minutes, les utilisateurs ont vu apparaître une boîte de dialogue (fenêtre pop-up) leur demandant d’évaluer, sur une échelle de 1 à 5, dans quelle mesure ils étaient d’accord avec cette affirmation : “J’utilise actuellement Chirp sans vraiment faire attention à ce que je fais”. La boîte de dialogue a continué à apparaître toutes les 15 minutes.
Verdict : au cours du mois, 42 % des participants (soit 18 personnes) étaient d’accord ou fortement d’accord avec cette affirmation au moins une fois. Une fois le mois terminé, les chercheurs ont réalisé des entretiens approfondis avec 11 participants. Sept d’entre eux ont dit avoir subi une dissociation lors de l’utilisation de Chirp.
Une étude qui déculpabilise
“La dissociation est définie par le fait d’être complètement absorbé par tout ce que vous faites”, a déclaré Amanda Baughan, première auteure de l’étude (Source 2). “Mais les gens ne se rendent compte qu’ils [ont subi une dissociation] qu’avec du recul. Donc, une fois que vous sortez de cette dissociation, il y a parfois ce sentiment de : ‘Comment suis-je arrivé ici ? [Ou encore : ] ‘Oh mon Dieu, comment 30 minutes se sont-elles écoulées ? ? Je voulais juste vérifier une notification’”.
La chercheuse ajoute que ce “recadrage” qui évoque plutôt une dissociation qu’une dépendance est une bonne chose, car au lieu de blâmer l’utilisateur comme quelqu’un d’accro qui a peu de volonté, cela indique que l’on peut tous et toutes être victime de ce phénomène de dissociation à nos dépens, que ce soit en rêvassant par la fenêtre, en “scrollant” sur Instagram ou autre.
Ce type d’expérience et de constat pourront aider à la mise en place de stratégies efficaces pour aider les utilisateurs de réseaux sociaux à mieux gérer leur temps et à ne pas s’éterniser dessus s’ils ne le souhaitent pas.