Les femmes enceintes le savent bien : chaque mois, sans interruption, elles doivent recueillir leurs urines et les rapporter en laboratoire pour y analyser la présence, ou non, de protéines.
La protéinurie, c’est quoi exactement ?
« La protéinurie, c’est la présence de protéines et notamment d’albumine, au moment de l’analyse, dans les urines de la future mère », explique simplement le Dr Cyril Huissoud, gynécologue-obstétricien au CHU de la Croix-Rousse à Lyon. « Si la présence d’albumine est présente en petite quantité chez un individu sain, elle tend à augmenter chez la femme enceinte, ce qui est normal. En revanche, une protéinurie trop élevée, au-delà du seuil, indique un dysfonctionnement des reins et du filtre rénal et peut être le premier signe d’une pré-éclampsie. Il est donc nécessaire de s’en assurer régulièrement », poursuit-il.
Quel est le bon taux de protéinurie pendant la grossesse ? Quand s’inquiéter ?
Il faut savoir que le seuil de protéinurie chez la femme enceinte est plus haut que chez une personne en bonne santé en temps normal. Ainsi, si le seuil à surveiller chez une personne normale est fixé à 150 mg par 24 heures, chez la femme enceinte en revanche, un état qui induit une modification de la filtration des protéines, la concentration de protéines dans les urines ne doit pas excéder 300 mg/ 24 heures. Ce n’est qu’au-delà de ce seuil que l’on s’inquiète.
Grossesse : comment mesurer la protéinurie et l’albumine ?
Il existe deux examens, complémentaires, pour mesurer le taux de protéines dans les urines : un examen simple avec un résultat rapide, de dépistage, réalisé mensuellement ; un autre, plus long pour affiner le résultat quand la concentration est trop élevée.
Un dépistage sur l’échantillon d’un jet d’urine
C’est l’examen le plus simple et rapide à réaliser mais ne constitue qu’un dépistage : il s’agit de tester le jet d’urine chaque mois pour obtenir, via une bandelette, ou par un dosage au laboratoire une évaluation assez générale du taux de protéinurie. L’analyse est souvent couplée à une glycosurie. Si le taux de protéinurie dépasse le seuil fixé, la femme enceinte se voit alors prescrire un test sur 24 heures.
Un dosage fait sur 24 heures
Afin d’affiner un résultat de dépistage qui peut poser question, on peut alors mettre en place un test d’urine sur 24 heures, c’est-à-dire le recueil de toutes les urines de la patiente sur une durée de 24 heures, d’un matin à l’autre. Le test sur 24 heures aboutit à un taux quantifié en milligrammes / 24 heures C’est lui qui donne une indication précise sur un dysfonctionnement ou non. Si le taux est acceptable, une surveillance habituelle se poursuit chaque mois sans plus de tracas. Si le taux est trop élevé, d’autres analyses complémentaires, notamment sur la pression artérielle, devront être effectuées rapidement.
Comment réagir en cas de protéinurie élevée ?
La première attitude à adopter est de consulter rapidement son obstétricien qui mettra en place une surveillance adaptée à la situation et à la quantité de protéines décelées.
Si la protéinurie s’avère trop importante, la femme enceinte pourra être hospitalisée et il pourra être envisagé une naissance prématurée selon les risques encourus, détaille le Dr Huissoud.
« Si l’on soupçonne une protéinurie isolée, appelée néphropathie gravidique, il peut être mis en place une surveillance biologique en hôpital ou à domicile, associée à la visite d’une sage-femme tous les jours. Mais attention, une protéinurie isolée peut également évoluer vers une pré-éclampsie ». D’où la nécessité d’une surveillance accrue.
Quels sont les risques d’une protéinurie trop élevée chez la femme enceinte ?
Si la recherche de protéines et d’albumines est simple à réaliser, elle est en revanche très importante pour la santé de la mère comme pour celle du bébé.
Si la protéinurie est trop élevée, il faut vite vérifier la pression artérielle de la mère, précise l’obstétricien. Car si la protéinurie peut indiquer un problème isolé aux reins, elle peut également être le signe d’une prééclampsie, une situation à risque.
La prééclampsie
La pré-éclampsie ou toxémie gravidiqueest une pathologie de la grossesse caractérisée notamment par un dysfonctionnement rénal associé à une élévation de la pression artérielle se produisant généralement au-delà de 20 semaines de grossesse (même si elle peut survenir à n’importe quel stade de la grossesse, même au premier trimestre). Selon l’Inserm (source 1), 40 000 femmes seraient concernées chaque année en France, soit environ 5 % des grossesses. La pathologie est également responsable de la deuxième cause de décès maternels en France. Sous surveillance, la plupart des femmes atteintes de prééclampsie accouchent d’un bébé en bonne santé et se rétablissent bien. En revanche, une prééclampsie non traitée qui n’a pas été prise en charge à temps peut aboutir à un retard de croissance du bébé, à une naissance prématurée, voire à un décès de la mère et/ou de l’enfant.
L’évolution des signes physiologiques et cliniques peut également permettre de détecter une pré-éclampsie. Au long de sa grossesse, la femme enceinte doit être surveillée notamment en cas de :
Tous ces signes doivent vous amener à consulter rapidement.
Comment faire baisser les protéines dans les urines quand on est enceinte ?
Malheureusement, il n’existe pas de moyen ou de traitement pour faire baisser le taux de protéines dans le sang et les urines de la mère au cours de la grossesse. Dans le cas d’une pré-éclampsie, le moyen de stopper ce phénomène, et de sauver la mère et l’enfant, est d’interrompre la grossesse, en programmant un accouchement parfois prématuré. « Heureusement, dans la majorité des cas, la pré-éclampsie est tardive, après 34 semaines de grossesse, soit au 8e mois, il est donc possible de faire naître l’enfant en toute sécurité », rassure le médecin.
Protéinurie en fin de grossesse : et après ?
Si la protéinurie est détectée avant la 20e semaine de grossesse, elle peut être le signe d’un problème au niveau du rein, isolé ou non. « Dans ce cas, il convient de mettre en place une surveillance particulière, même au-delà de la naissance, conseille le médecin. Les fonctions rénales et la tension artérielle doivent se normaliser après la grossesse, il est important pour la santé de la femme de s’en assurer ».