On peut être addict au sexe et au porno, une sexologue nous explique (vidéo)

by heygirls


La sexualité est le plus souvent source de bonne santé et d’épanouissement. Mais parfois, des addictions viennent perturber notre équilibre et – parfois – posent la question du consentement dans nos relations sexuelles. Nous en discutons avec Marie Bareaud, sexologue. 

Pensez-vous que la sexualité puisse devenir une addiction ?

Oui, on peut être addict à la sexualité comme on peut être addict au sport comme on peut être addict à une substance, comme on peut être addict à un comportement en général. Ce qui va nous permettre d’identifier ça et c’est pas toujours facile, on n’aime pas se voir addict. Donc parfois c’est l’entourage qui va commencer à émettre des remarques, à dire des choses à repérer et on peut écouter ça.

On peut faire confiance à ceux qui nous aiment, qui nous sont proches quand ils s’inquiètent pour nous. Parce que c’est vrai que ça vient abîmer notre liberté et on n’aime pas voir ça. Mais il y a quelques critères quand même qui nous permettent d’y voir plus clair. C’est, par exemple, pour la sexualité : est-ce que je peux m’en priver ? Est-ce que je peux m’en passer ? Est-ce que par exemple je peux me sevrer de toute sexualité ? C’est-à-dire de tout ce que je pourrais vivre à la fois seul et en couple pendant 15 jours ? Est-ce que ça serait OK déjà dans mon cadre de référence ? Est-ce que je peux envisager ça ? Est-ce que je peux l’expérimenter pour vérifier ? Bon, déjà ça dit, est-ce que je suis complètement dedans ou est-ce que, au bout d’une semaine, j’en peux plus ? Je suis devenue infernale à la maison, et cetera.

Et puis une chose aussi, qui va dire, si je suis un petit peu addict ou pas, c’est : est-ce que ça vient bousculer mon comportement social ? c‘est à dire : est-ce que parfois je préfère rester chez moi, et éviter une sortie, éviter un dîner, comme ça j’aurai du temps pour me mettre devant mon écran, du temps pour être avec un amant, une amante ou mon conjoint ou ma conjointe. Voilà, est-ce que je renonce à certaines activités sociales pour vivre quelque chose autour de la sexualité.

Et puis enfin est-ce que ça vient bousculer ma vie professionnelle, c’est-à-dire est-ce que c’est tellement pressant comme besoin, comme envie que même au travail, parfois, je vais aux toilettes pour me livrer à des activités sexuelles, tellement ça monte et tellement je peux plus dire non. Et là, on peut véritablement parler d’addiction.

Peut-on faire son éducation sexuelle avec le porno ?

Les jeunes d’aujourd’hui, comme on leur parle pas de sexualité, c’est comme ça qu’ils s’éduquent. Moi j’ai énormément de jeunes qui viennent me voir en me disant : « je me suis éduqué au porno » et donc on pourrait penser que c’est une bonne chose. En fait, ça sert à gérer des peurs. Est-ce que je vais savoir ? est- ce que je vais être capable ? est-ce que je vais pas être pris au dépourvu ? Est-ce qu’on va pas se moquer de moi ? Est-ce que je vais pas être ridicule ? On est avec ses angoisses-là que on a tous vécu ado. Mais autrefois quand il y avait pas ces questions, finalement, il fallait bien prendre son courage à deux mains, y aller et faire avec ce qu’on avait.

C’est difficile parce qu’aujourd’hui, d’un côté, ce n’est pas la réalité, ce n’est pas de la fiction et en même temps c’est comme ça que je me suis formé, c’est-à-dire que ce sont les exemples que j’ai et c’est ce que je vais quand même finalement reproduire. Avec, peut-être, comme je suis dans un rôle une difficulté vis-à-vis du consentement. Peut-être, quand je reproduis des choses, est-ce que je suis vraiment moi-même ou est-ce que je suis mes élans, mes désirs ? Ou est-ce que je suis finalement avec un costume que j’ai enfilé et je fais ce que me demande le costume ? C’est délicat.

Le grand risque qu’on prend, c’est de vivre des violences sexuelles (…) est-ce que véritablement je suis consentant avec ce que je vis ? Parfois, c’est 1h, 2h après… le lendemain je vais me dire : « mais en fait ce que j’ai vécu, ça me convient pas du tout ».

En fait, cette question du consentement, et moi je trouve que le grand risque qu’on prend, c’est de vivre des violences sexuelles même si on est consentant c’est-à-dire que OK je suis là et je sais ce qu’on attend de moi. Est-ce que véritablement je suis consentant avec ce que je vis ? Parfois, c’est 1h, 2h après… le lendemain je vais me dire : « mais en fait ce que j’ai vécu, ça me convient pas du tout ».

Quelles sont les conséquences de « trop de porno » dans la vie sexuelle ?

Je suis pas forcément fan du porno aussi parce qu’il me semble que toute une part de notre sexualité, c’est l’érotisme, c’est la sensualité. C’est des choses en fait, qui sont pas cinématographiques, qui passent pas bien la caméra. Ça ne se voit pas et donc c’est pas du tout mis en avant dans ce qu’on voit dans les films pornos. C’est vraiment fondamental dans une vie de couple épanouie.

On va souvent voir les gens qui sont, qui se sont éduqués avec la pornographie avec un registre imaginaire au niveau érotique très réduit. J’ai rencontré un homme, il pouvait faire l’amour que dans le noir parce qu’en fait il était en permanence avec l’image d’autres femmes, et donc la sienne, il pouvait lui faire l’amour que dans le noir. Ou alors on peut faire l’amour que d’une certaine manière, il faut toujours passer par-là, exactement comme dans les films porno. Ou alors une jeune femme aussi qui m’avait raconté : « moi, s’il y a pas de scénario, je m’excite pas du tout, J’embarque pas du tout. » Il faut parfois que je ferme les yeux, que je repense à d’autres hommes que je me raconte des histoires ou alors qu’on se costume un peu, et cetera, pour pouvoir entamer quelque chose d’une sexualité où je vais un minimum prendre du plaisir.

Donc finalement le porno, moi de ce que j’en constate, de ce que des gens qui me racontent un peu ce qu’ils vivent avec ça, ça vient beaucoup, beaucoup réduire tout ce qui est imaginaire érotique. Or notre imaginaire érotique, c’est ce qui va vraiment alimenter nos sensations, nos désirs, nos élans, nos fantasmes, et cetera. C’est vraiment précieux pour tout ce qu’on va vivre sur le long terme, dans notre sexualité. C’est ce qui va l’enrichir, c’est ce qui va nous rendre créatif. C’est dommage de s’en priver.



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