Le témoignage de Capucine : « Il y a 4 ans, je suis tombée dans l’anorexie »

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Nous avons rencontré Capucine Néel, 24 ans, auteure du livre Le scanner de mon anorexie aux éditions Maïa. Capucine a bien voulu nous raconter son histoire, son parcours, dans le but d’aider d’autres personnes et d’autres familles concernées par l’anorexie, ce TCA trouble du comportement alimentaire, qui est une maladie mentale à part entière trop souvent incomprise. 

Qu’est-ce qui a déclenché votre TCA (trouble du comportement alimentaire) ?

Le premier phénomène a été surtout de prendre une licence d’athlétisme et de vouloir faire des performances. Je voulais faire moins de 40 min sur 10 km et faire de belles courses en cross. Donc j’ai décidé en même temps de prendre cette licence, de commencer un régime et de faire attention à ce que j’allais manger. Et la nourriture me faisait déjà… il y avait déjà des petites histoires avec la nourriture depuis quelques années, quand j’ai perdu, notamment mon chien ou encore mon grand-père ; et je me suis rendu compte que je pouvais pas tout contrôler. Dans la vie, je me suis raccrochée à la nourriture et à ce que je pouvais contrôler.

Je notais les aliments dans un carnet, j’avais des tableaux avec les chiffres, les calories…

Quand j’ai commencé, j’étais à environ 54 kilos et donc au début, c’était pas si méchant que ça. Je notais les aliments dans un carnet, j’avais des tableaux avec les chiffres, les calories, je comptais à la fin de la journée et au fur et à mesure, j’ai commencé à perdre du poids et à vraiment rentrer dans l’entraînement intensif. Et là, j’ai commencé à faire de belles performances. Mon premier 10 km, je crois, j’ai perdu 2 min. Enfin, je l’avais fait en 43 minutes quelque chose et là je l’ai direct fait en 41 (min). Au bout de 2 mois donc, j’ai poussé la chose encore plus loin. J’ai commencé à diminuer ma jauge de calories. 1300, à quelques mois Ensuite 700 cal. Et là, j’ai commencé à supprimer des aliments petit à petit. Des aliments qui ont mis très très longtemps ensuite à revenir dans mon quotidien. En 5 mois j’ai perdu 10 kilos.

Votre entourage a-t-il commencé à s’inquiéter ?

Non, car mes parents faisaient confiance à mon entraîneur. Ils se sont dit – je l’ai su plus tard – mais ils se sont dit : Si lui ne nous dit rien, tout va bien. Ils se sont notamment dit ça parce que ma petite sœur disait : « il y a quelque chose qui va pas avec Capucine ». Parce que je la voyais rarement et elle a vu qu’en fait je perdais du poids petit à petit. Et c’est mon entraîneur, au bout de quelques mois, qui a appelé mes parents en disant : « Quelque chose ne va pas avec Capucine, elle maigrit beaucoup ». Et donc ça a fait effet boule de neige.

Mes parents ont appelé mes sœurs, ils ont appelé les amis qu’il me restait. Donc ils se sont rendu compte que vraiment, en effet, il y avait quelque chose qui déraillait un peu chez moi sans vraiment savoir ce que c’était. Ni même moi, je ne savais pas vraiment ce que c’était. Je savais juste que je n’arrivais pas plus à manger comme avant. Même si, à des moments quand j’étais chez mes parents, quelquefois, je les regardais et dans ma tête, je me souviens que je criais. Donc c’était intérieurement, mais je criais : « J’ai besoin de votre aide » en fait, et quelquefois même je me mettais à les regarder avec les yeux pleins de larmes. Et je les implorais de m’aider sans qu’aucun son ne sorte de ma bouche.

Ensuite je suis partie à La Rochelle pour finir ma licence de maths. Et à partir de ce moment-là, il y a une rupture amoureuse très difficile. Je perds ma filleule. Enfin, il y a tout ça qui se met en place. Je suis déscolarisée et là, en revanche, la dépression s’installe. Les idées noires arrivent et l’hôpital psychiatrique arrive.

J’avais juste un rendez-vous normal avec ma psychiatre. Donc je rentre dans le bureau et là, il y a une infirmière qui remonte, qui ferme la porte à clé et là je commence à comprendre. La psychiatre appelle ma mère. Elle la met sur haut-parleur et elle m’explique. Donc ils ont pris la décision de m’enfermer, clairement, il y a pas d’autre mot. Pour mon propre bien et parce qu’ils ont peur pour moi. Donc je commence un séjour en hôpital psychiatrique shootée aux médicaments pour me faire dormir.

Je mange pas plus que ça parce que c’est pas un hôpital spécialisé dans les TCA. Et je continue de perdre du poids jusqu’à ce que mes parents viennent me chercher parce que le confinement de 2020 va être annoncé.

Survient le confinement de 2020. Quelle conséquence pour vous ?

Je suis enfermée pendant 3 mois avec mes parents et ma petite sœur en Normandie. Donc au début c’était très compliqué. Je voyais mes parents complètement démunis et honnêtement je ne voulais pas faire d’efforts. Parce que moi je voulais juste mettre fin à ce qui se passait et donc mettre fin à ma vie. Clairement, c’était ce que je voulais faire. Au bout de quelques semaines de confinement, il y a ma petite sœur qui a une peine de coeur. Et donc elle était vraiment pas bien et comme je déteste la voir triste…. Je me suis promis de la faire sourire, de la faire rire et de l’aider à aller mieux. Et c’est là que ça a commencé à prendre vie en moi. La petite étincelle qui s’est rallumée et donc ma petite sœur m’a aidée à me remettre doucement au sport. Elle m’a aidée à manger, notamment avec elle parce que j’avais un peu honte de manger devant mes parents. Et m’a aidée à aller mieux.

La petite étincelle s’est rallumée et ma petite sœur m’a aidée à me remettre doucement au sport. Elle m’a aidée à manger, notamment avec elle parce que j’avais un peu honte de manger devant mes parents.

Du coup, pendant le confinement, vraiment… il m’a sauvé la vie et elle aussi. Je dirais qu’il s’est passé tant de choses en Normandie. Mon état s’y est dégradé comme il s’y est amélioré. Donc c’est toujours un peu compliqué d’aller en Normandie et de devoir manger… De toute façon, les repas familiaux sont compliqués en soi parce que je ne veux pas qu’on me regarde comme une bête de foire ou qu’on se dise : « Oh, c’est bien elle mange » ! Parce qu’il y a toujours ce petit sentiment de honte, on se dit, j’ai fait tant d’efforts pour perdre du poids et aujourd’hui, je mange parce que j’en ai besoin… Mais donc finalement tous les efforts que j’ai faits n’ont servi à rien. Donc il y a toujours cette petite voix qui est là et je pense que ça, ça restera hyper présent. Et c’est pour ça qu’au final, même s’il y en a qui disent être guéris, je pense que on garde beaucoup de séquelles.

Dites-nous quelle influence ont eu les réseaux sociaux ?

C’est sujet hyper important parce que justement, je me souviens que quand j’ai commencé à tomber malade, mon fond d’écran, c’était des photos de sportives très, très minces, maigres. En fait, je voulais leur ressembler et en plus quand on commence à chercher quelque chose sur les réseaux sociaux, on tombe tout le temps sur ça après. Donc les images de sportives très affûtées, très maigres avec les côtes, les abdos. Clairement je voulais ressembler à ça et j’ai même réussi à un moment. Plus je le voyais, plus ça me confortait dans l’idée de continuer mon régime. Enfin, entre guillemets, « mon régime ». Et oui, donc ça a eu un gros impact. Ça l’est encore aujourd’hui parce que j’ai encore beaucoup de mal à poster des photos de moi, parce que je me dis, est-ce que je suis trop grosse pour la poster ? C’est encore hyper présent.

Mais d’un autre côté, les réseaux sociaux peuvent nous aider à aller mieux, parce qu’il y a tous ces comptes qui prennent vie en ce moment sur le body positivisme. Je trouve ça génial et ça m’aide beaucoup. Donc ça dépend ce qu’on veut voir sur  les réseaux. Mais ça peut – comme le sport est autant destructeur que nous aider à nous reconstruire.

Pourquoi avoir écrit un livre ?

Quand j’ai commencé à écrire, je pensais pas déjà que j’écrivais un livre. C’est quand j’ai commencé à aller très, très mal que je me suis dit, je vais écrire des lettres à ma maladie. Non, j’aime pas dire « ma maladie », parce que ça veut dire qu’elle m’appartient ! Donc la maladie.

J’ai commencé à écrire des lettres et au fur et à mesure, en fait ces lettres, je me suis rendu compte qu’elle a donné vie à quelque chose et pendant le confinement, j’ai voulu écrire pour expliquer à ma famille. Pour qu’ils réussissent à m’accompagner et au bout de quelques mois, en fait, il y a une sorte de notice qui est née. C’est vraiment ça, une notice qui explique comment je suis tombée malade. Qu’est-ce qui s’est passé dans ma tête et comment on peut m’aider à m’en sortir en sachant ce qui se passe dans ma tête. Et donc mes parents ont eu le livre au bout de quelques mois. C’est eux qui m’ont poussée à le publier ensuite parce que ça les a aidé à comprendre. Et ça les a aidés à m’aider à m’en sortir, en tout cas à m’accompagner.

Que dire à des parents dont l’enfant pourrait tomber dans l’anorexie ?

C’est l’encadrement des parents. Il faut vraiment qu’ils restent – même si les enfants sont majeurs – il faut que que les parents soient fermes, qu’ils les obligent à assister au repas, même si l’enfant va avoir des difficultés. Et même si derrière l’enfant va enfin, moi je sais que j’étais obligée d’assister aux repas, mais je mangeais plus à côté avec ma sœur. Il faut vraiment les encadrer, ne pas laisser déborder parce que sinon ils peuvent vraiment dévier et retourner dans des comportements destructeurs qui vont leur faire reperdre du poids. Il faut aussi dans cet encadrement apporter de l’espoir et de l’amour. Il faut vraiment leur faire comprendre que la famille, elle sera là et que l’enfant n’est pas tout seul. Dire : « t’es pas tout seul(e) et on s’en sortira tous ensemble parce qu’on est derrière toi ».

Vous parlez aussi du deuil périnatal. Pourquoi ?

Ma grande sœur a mis au monde Ambre, qui était censée être ma filleule. Et donc, certes, ça a créé un grand désarroi, mais aujourd’hui, c’est aussi grâce à elle que j’arrive à m’en sortir et que je m’en sors, et que j’avance. Surtout parce que, en fait, on s’est tous promis dans la famille – vu qu’elle avait pas eu la chance de vivre – qu’on vivrait pour elle. Et donc vraiment c’est un point hyper important et c’est pour ça aussi que j’en parle. Parce que dans le livre, il n’y a pas que l’anorexie. Il y a aussi le deuil périnatal. Et au final, ça dit aussi que toute la famille peut être impactée. Parce que je suis pas la maman, que la marraine non officielle Mais oui, je trouve ça hyper important. Ce week-end, je vais courir les championnats de France de Cross avec son nom inscrit sur ma main. Toutes les grandes courses maintenant, je les fais avec elle.



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