La laparotomie consiste à ouvrir l’abdomen d’un(e) patient(e) pour accéder à ses organes. Concrètement, elle permet donc de réaliser des opérations « à ventre ouvert ». Étant donné son caractère invasif, elle est fréquemment remplacée par des techniques chirurgicales micro-invasives, comme la cœlioscopie et la chirurgie robotique. Dans quels cas reste-t-elle indiquée ? Comment se déroule l’intervention ? Quelles peuvent être les complications ? À quoi s’attendre pendant la convalescence ? Réponses du Pr Michel Ducreux, chef du service d’oncologie digestive à l’Institut Gustave Roussy.
Définition : qu’est-ce qu’une laparotomie ?
« La laparotomie est une technique chirurgicale qui consiste à ouvrir l’abdomen en réalisant une incision plus ou moins large pour pouvoir accéder aux organes internes et pratiquer divers actes chirurgicaux (biopsie, traitement d’une affection abdominale, réparation d’une hernie, ablation d’un organe, prise en charge d’une blessure, etc.« , indique le Pr Ducreux. Et de préciser, « le terme laparotomie dérive du grec ‘lapara’, qui signifie ‘ventre’ et de ‘tomie’, qui signifie ‘incision' ». Pratiquée depuis l’Antiquité, cette intervention permet donc de prendre en charge diverses maladies, mais aussi des déformations ou des blessures. Mais à l’heure actuelle, elle est fortement concurrencée par d’autres techniques moins invasives, comme la cœlioscopie.
Qu’est-ce qu’une laparotomie exploratrice ?
Comme son nom le suggère, la laparotomie exploratrice consiste à ouvrir l’abdomen pour explorer un diagnostic : les médecins n’ont pas la certitude de ce qu’ils vont trouver.
Elle est notamment indiquée en cas de signes cliniques compatibles avec une pathologie intra-abdominale, à condition qu’aucun autre examen moins invasif ne soit possible.
Laparotomie médiane, horizontale, verticale, laparotomie de Pfannenstiel…
L’incision peut être réalisée de différentes manières. On distingue donc :
- la laparotomie médiane, qui consiste à ouvrir l’abdomen entre le pubis et le sternum ;
- la laparotomie horizontale, le plus souvent pratiquée dans le cadre de césariennes ;
- la laparotomie verticale, qui consiste à ouvrir l’abdomen du pubis au nombril ;
- et la laparotomie de Pfannenstiel, qui consiste à ouvrir l’abdomen au niveau du bas du ventre de manière horizontale.
Laparotomie ou cœlioscopie (laparoscopie) : quelles différences entre ces deux opérations ?
La cœlioscopie, aussi appelée laparoscopie, est une intervention chirurgicale qui consiste à réaliser de petites incisions pour introduire de micro caméras et de micro instruments dans l’abdomen des patient(e)s, après l’avoir gonflé avec du dioxyde de carbone. Lesdites incisions sont le plus souvent réalisées au-dessus du pubis. Comme indiqué ci-dessus, la laparoscopie présente de nombreux avantages par rapport à la laparotomie :
- elle diminue les douleurs postopératoires ;
- elle limite la perte de sang pendant l’intervention ;
- et elle permet de raccourcir la durée d’hospitalisation.
Par ailleurs, la laparotomie impacte fortement le transit intestinal. Sans compter l’entretien et la vigilance nécessaires pour prévenir les complications et favoriser la cicatrisation.
Indications : quand et pourquoi faire une laparotomie ?
La laparotomie peut être indiquée dans plusieurs cas de figure :
- quand la chirurgie cœlioscopique n’est pas possible (en cas d’éviscération ou de cancer étendu, par exemple) ;
- en cas de cancer, si les tumeurs sont trop grosses pour pouvoir être retirées par cœlioscopique ;
- si l’intervention nécessite le retrait d’un corps étranger ou l’ablation d’un organe (rein, estomac, etc.) assorti d’une transplantation ;
- si la visibilité est altérée au cours d’une intervention par cœlioscopique ;
- Etc.
Autrement dit, on pratique une laparotomie lorsqu’on n’a pas d’autre choix, parfois en première intention, et parfois en seconde.
Quelles précautions prendre avant une laparotomie abdominale ?
La laparotomie est généralement programmée, mais elle peut aussi être réalisée en urgence. Idéalement, pour favoriser le bon déroulement et le succès de l’intervention, les patients doivent :
- avoir pris une douche avec un produit antiseptique.
- être à jeun (arrêter de manger au moins 6 heures avant l’intervention et arrêter de boire au moins 3 heures avant l’intervention) ;
- avoir arrêté de fumer dans les deux mois qui précèdent l’intervention (ou du moins limitez fortement votre consommation) pour favoriser la cicatrisation ;
- quant à l’alcool, mieux vaut éviter de boire dans les sept jours qui précèdent l’opération. Et évidemment bannir toute boisson alcoolisée le jour J.
Comment se déroule une laparotomie ?
La laparotomie se déroule le plus souvent sous anesthésie générale. Mais certaines interventions peuvent nécessiter une « simple » anesthésie locale. Pour ce qui est du timing, la laparotomie peut durer une ou plusieurs heures, selon le type d’intervention réalisé (greffe de foie, retrait d’une tumeur, extraction de balle, etc.).
Une fois les patient(e)s anesthésié(e)s et intubé(e)s, le chirurgien incise l’abdomen à l’aide d’un bistouri au niveau de la peau, des muscles et du péritoine. Puis, une fois l’intervention terminée, il referme soigneusement la plaie en suturant les muscles (s’ils ont été sectionnés), puis la graisse et la peau à l’aide de fils, d’agrafes, voire de colle, si les incisions sont petites. L’équipe médicale installe ensuite un drain aspiratif pour assurer l’écoulement des liquides.
À noter : dans certains cas, le chirurgien ne parvient pas à refermer la plaie, tant la paroi abdominale est distendue. Il réalise alors une laparostomie : le ventre du patient reste ouvert, mais on applique des pansements spéciaux, dits aspiratifs.
Cicatrice : en combien de temps disparaît-elle ?
La cicatrice est l’un des points les plus redoutés de la laparotomie. Les équipes s’appliquent à faire de leur mieux pour la rendre la plus « esthétique » possible, mais elles n’ont malheureusement pas d’impact sur le processus de cicatrisation.
Par ailleurs, la cicatrisation sera plus longue et moins « esthétique » si les patient(e)s ont déjà été opéré(e)s à de nombreuses reprises au même endroit, ou si la cicatrise s’infecte.
Quelles sont les suites opératoires ?
La durée d’hospitalisation et le suivi médical postopératoire diffèrent selon la nature de l’opération. Dans tous les cas, les patient(e)s peuvent ressentir une importante fatigue et le fonctionnement de leurs intestins peut être altéré pendant quelques jours.
En cas de douleurs, des médicaments antalgiques (paracétamol, Acupan, morphiniques, etc.) sont prescrits.
Pour éviter tout risque d’abcès ou d’éventration, la cicatrice est régulièrement surveillée par l’équipe médicale qui retire les pansements et drains sur indication du chirurgien.
Puis une fois le patient dehors, une consultation postopératoire est programmée dans les 3 à 4 semaines.
Quelles sont les complications possibles ?
La laparotomie est considérée comme une intervention invasive en raison des risques liés à l’anesthésie générale, mais aussi en raison :
- des risques d’infection,
- des risques de saignements,
- des risques de caillots sanguins
- des potentielles complications respiratoires
- et de la douleur postopératoire.
Par ailleurs, plus l’incision est grande, plus il y a un risque d’abcès.
Et au-delà des risques inhérents à l’anesthésie et à l’acte chirurgical en lui-même, la laparotomie présente surtout un risque important d’éventration à distance (les organes sortent de l’abdomen parce qu’une suture a lâché ou parce que la cicatrisation n’est pas assez rapide), alerte le Pr Ducreux.
Les facteurs de risques sont l’âge avancé, l’obésité, le tabagisme, la malnutrition ou encore des problèmes de solidité des tissus.
Convalescence : comment se remettre d’une laparotomie ?
Comme indiqué ci-dessus, la durée de l’hospitalisation est variable : elle dépend du type d’intervention, de la récupération de chaque patient(e) et des éventuelles complications. Pour faciliter le retour à domicile, mieux vaut demander l’aide de son entourage pour certaines tâches de la vie courante, comme les courses ou les conduites d’enfants. En effet, il n’est pas rare de se sentir extrêmement fatigué(e) pendant deux à trois semaines. Sans compter les douleurs handicapantes, les potentielles nausées, voire les vomissements qui peuvent survenir en début de convalescence.
Quel régime après une laparotomie ?
Après l’opération, il est indispensable de bien s’hydrater quotidiennement et de suivre les conseils hygiénodiététiques de l’équipe médicale. Pour éviter la constipation, les médecins conseillent généralement de miser sur des aliments riches en fibres tels que des fruits, légumes, graines et céréales. On limite aussi les repas trop gras qui compliquent la digestion. En général, les patient(e)s recommencent à manger « normalement » au bout de quelques semaines.
Comment prendre soin de sa cicatrice ?
Les cicatrices de laparotomie ne nécessitent pas soin particulier si elles ne présentent pas de risque infectieux. Le pansement est généralement retiré au bout de 48 à 72 h et la plaie est laissée à l’air libre. Pour favoriser la cicatrisation on peut utiliser des crèmes hydratantes ou cicatrisantes et surtout masser sa cicatrice deux fois par jour pour assouplir les tissus et contrer les adhérences. En revanche, si la cicatrice est infectée (rougeurs associées à une fièvre et à des sécrétions purulentes), elle nécessite des soins infirmiers réguliers.
À noter : pour favoriser la cicatrisation on évite les bains, piscine et autres hammams ou saunas pendant quelques semaines. Les douches sont bien évidemment possibles, à condition d’utiliser un savon au pH doux et de bien sécher la cicatrice en la tapotant doucement.
Quel sport pratiquer ? Quand peut-on refaire l’amour ?
Au quotidien, le port d’une ceinture de contention peut être préconisé. Quant à la pratique sportive, tous les médecins insistent sur ce point : on évite toute activité physique intense dans les deux mois suivant l’opération. La reprise des activités quotidiennes doit être progressive : dans un premier temps, on évite les mouvements brusques et le port de charges lourdes. En ce qui concerne les rapports sexuels, mieux vaut sans tenir aux ébats sans pénétration le temps que la cicatrisation soit suffisamment avancée.
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Je viens de lire cet article très intéressant sur la laparotomie. Je suis heureux de découvrir les différentes manières d’effectuer une laparotomie, ainsi que les indications et les précautions à prendre avant l’intervention. Personnellement, j’ai une anecdote à partager à propos de cette intervention : un membre de ma famille a dû subir une laparotomie en urgence après une crise d’appendicite. Bien que cela soit très stressant, tout s’est bien passé et la récupération s’est déroulée sans problème.
Je me demande cependant dans quels cas précis la laparotomie est toujours préférable aux techniques chirurgicales moins invasives, comme la cœlioscopie et la chirurgie robotique ? Y a-t-il des patients pour qui la laparotomie reste la meilleure option ?