Inaptitude au travail : définition, conséquences, indemnités

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inaptitude au travail

L’inaptitude au travail est un sujet préoccupant, tant pour les travailleurs(ses) que pour les employeurs. Elle concerne les personnes confrontées à des problèmes de santé, de handicap ou d’autres limitations fonctionnelles qui les empêchent d’assumer pleinement leur poste. En résumé, elle peut être prononcée par le / la médecin du travail lorsque l’état de santé physique ou mental d’un(e) salarié(e) est devenu incompatible avec le poste qu’il / elle occupe. On fait le point avec le Dr Jean-Louis Zylberberg, médecin du travail et président de l’association Santé et médecine du travail (ASMT).

Définition : qu’est-ce que l’inaptitude au travail ?

Avant toute chose, précisons qu’on ne parle généralement pas d’inaptitude au travail, mais d’inaptitude à un poste de travail précis. « Selon le Code du travail, l’inaptitude au poste de travail traduit l’incompatibilité entre l’état de santé d’une personne et son poste de travail. Ce pour des motifs liés à sa vie personnelle ou professionnelle, explique le Dr Zylberberg. » Concrètement, lorsqu’un(e) employé(e) est considéré(e) comme inapte, cela signifie qu’il / elle n’est pas ou plus en mesure d’accomplir les tâches essentielles inhérentes à son poste, même avec des ajustements ou des aménagements raisonnables.

Quels sont les différents motifs d’inaptitude ?

On distingue notamment :

  • L’inaptitude physique, liée à des blessures diverses, des troubles musculo-squelettiques, des maladies chroniques, des limitations motrices, des problèmes de vision ou d’audition, etc.
  • L’inaptitude mentale ou psychologique, liée par exemple à une anxiété chronique, à une dépression, à un trouble de l’attention, à un trouble bipolaire, etc.
  • Et l’inaptitude sensorielle, liée à une perte progressive de la vue ou de l’audition qui complique les missions du quotidien.

À noter : ces catégories ne sont pas exclusives, il est par exemple possible d’être inapte sur le plan sensoriel et physique, ou sur le plan physique et psychologique.

Inaptitude totale ou partielle, temporaire ou permanente, professionnelle ou non…

Comme indiqué ci-dessus, l’avis d’inaptitude porte uniquement sur un poste de travail : le / la médecin du travail est chargé(e) d’évaluer si telle ou telle personne est apte ou non à exercer son poste ou tout autre poste au sein de son entreprise. Le cas échéant, il / elle doit indiquer que l’état de santé de la personne concernée fait obstacle à tout reclassement au sein de l’entreprise, indique le Dr Zylberberg. Dans la grande majorité des cas, cela se conclut par un licenciement…

Les termes d’inaptitude partielle, d’inaptitude totale, d’inaptitude temporaire et d’inaptitude permanente ne sont donc pas officiellement utilisés, mais existent tout de même et se réfèrent à différentes situations :

  • En cas d’inaptitude « partielle » à un poste : le / la salarié(e) est toujours en mesure d’accomplir une partie des tâches relatives à son poste de travail.
  • En cas d’inaptitude « totale » à un poste : le / la salarié(e) n’est plus du tout en mesure d’exercer les tâches qui lui incombent, mais peut éventuellement tenir un autre poste dans la même entreprise.
  • En cas d’inaptitude « temporaire » : le / la salarié(e) ne peut plus exercer aucun poste à un moment T, mais va retrouver ses capacités à moyen ou court terme. Et dans le cas contraire, on parle d’inaptitude définitive ou permanente.

On fait également la différence entre l’inaptitude « professionnelle », qui intervient suite à un accident du travail, à une maladie professionnelle ou à une maladie à caractère professionnel, et l’inaptitude « non-professionnelle », qui intervient suite à un accident ou à une maladie non-professionnelle.

Quelles différences entre l’inaptitude, l’incapacité et l’invalidité ?

  • L’inaptitude au poste de travail désigne l’incapacité d’une personne à exercer son emploi en raison de problèmes de santé ou de capacités limitées. Elle est évaluée par rapport aux exigences spécifiques du poste de travail et peut être temporaire ou permanente.
  • L’incapacité est un terme plus large qui englobe les limitations physiques, mentales ou sensorielles qui affectent les capacités d’une personne à accomplir des activités quotidiennes ou à travailler. Elle peut se manifester dans divers aspects de la vie quotidienne, y compris au travail, et peut nécessiter des adaptations et des mesures d’accommodement.
  • Enfin, l’invalidité est un terme utilisé dans le contexte des régimes d’assurance-invalidité. Il désigne le fait qu’une personne soit jugée incapable de travailler en raison d’une incapacité physique ou mentale, et que cette incapacité entraîne une perte de revenus ou une limitation significative des activités quotidiennes. Elle est constatée par le médecin-conseil de la Caisse Primaire d’assurance maladie (CPAM) et est généralement accompagnée de prestations ou d’indemnités pour compenser la perte de revenus.

Qui peut prononcer un avis d’inaptitude ? Quelle est la procédure à respecter ?

L’avis d’inaptitude au poste de travail est prononcé par le / la médecin du travail, tenu(e) de respecter certaines obligations préalables. Selon l’article Article R4624-42 du Code du Travail (source 1), il / elle ne peut constater l’inaptitude médicale que :

  • Si il / elle a réalisé au moins un examen médical de l’intéressé(e), accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
  • Si il / elle a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
  • Si il / elle a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
  • Et si il / elle a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

« Ces échanges avec l’employeur et l’employé(e) permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le / la médecin du travail entend adresser », indique le Code du Travail.

Un second examen est parfois nécessaire

Si le / la médecin estime qu’un second examen est nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, il / elle doit réaliser ce second examen dans un délai de quinze jours après le premier examen. Et la notification de l’avis médical d’inaptitude doit intervenir à cette date au plus tard.

Au terme de ces rendez-vous, si aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible, alors que l’état de santé de la personne concernée justifie un changement de poste, le médecin du travail peut alors la déclarer inapte à son poste de travail (art. L. 4624-4 du code du travail).

Bon à savoir : lorsque le maintien du / de la salarié(e) à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité (ou celles des tiers), ou lorsqu’un examen de pré-reprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen (source 2).

Que mentionne l’avis d’inaptitude médicale ?

L’avis d’inaptitude rendu par le / la médecin du travail « doit être éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du / de la salarié(e) », souligne le ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion. Et de préciser : « Les motifs de l’avis du médecin du travail sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du salarié ».

L’avis d’inaptitude en tant que tel doit mentionner :

  • l’étendue de l’inaptitude médicale (autrement dit, si la personne est seulement inapte à exercer son activité précédente ou si elle est définitivement inapte à exercer toute activité dans l’entreprise) ;
  • les conclusions écrites du / de la médecin du travail, accompagnées des indications relatives au reclassement du / de la salarié(e) ;
  • les indications sur l’aptitude du / de la salarié(e) à bénéficier d’une formation pour occuper un poste plus adapté ;
  • et les modalités permettant de contester ledit avis d’inaptitude.

« Nous indiquons les propositions éventuelles de reclassement, mais si celui-ci n’est pas possible, nous pouvons aussi indiquer que le maintien dans un emploi spécifique serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du / de la salarié(e) fait obstacle à tout reclassement », résume le Dr Zylberberg. Dans ce cas, l’employeur peut procéder au licenciement de la personne concernée sans rechercher un reclassement.

À qui est transmis l’avis d’inaptitude au travail ?

L’avis médical d’inaptitude est transmis aux salarié(e) s ainsi qu’à leur employeur par tout moyen conférant une date certaine (lettre recommandée avec AR, avis remis en main propre contre émargement ou récépissé, etc.). Il doit être conservé par les deux parties, et l’employeur doit être en mesure de le présenter à tout moment aux services d’inspection du travail ou aux services d’inspection de la médecine du travail. Une copie de l’avis est aussi ajoutée au dossier médical en santé au travail de la personne concernée.

Par ailleurs, lorsque le / la médecin du travail constate que l’inaptitude du / de la salarié(e) est susceptible d’être en lien avec un accident ou une maladie d’origine professionnelle, il / elle lui remet le formulaire de demande prévu par l’article D. 433-3 du Code de la sécurité sociale pour bénéficier de l’indemnité temporaire d’inaptitude (source 3).

Quelles sont les conséquences d’une inaptitude au poste travail ?

Vous l’avez sans doute déjà compris, une déclaration d’inaptitude peut avoir de lourdes conséquences, tant pour l’employé(e) que pour son employeur.

Quelles conséquences pour l’employé(e) ?

  • Si aucune solution appropriée (reclassement ou requalification professionnelle) n’est envisageable, ou si vous avez refusé la proposition de reclassement, l’avis d’inaptitude peut entraîner un licenciement.
  • L’incapacité à travailler en raison de l’inaptitude peut entraîner une perte de revenus importante qui ne sera pas forcément compensée par les indemnités.
  • Et dans certains cas, l’inaptitude peut aussi nécessiter des soins médicaux, une réadaptation ou des traitements spécifiques.

Quelles conséquences pour l’employeur ?

  • L’employeur a des obligations légales envers l’employé(e) inapte, comme l’obligation de chercher des solutions de reclassement ou d’offrir des prestations d’invalidité conformément aux lois en vigueur.
  • L’inaptitude peut aussi entraîner des coûts financiers pour l’employeur, que ce soit en termes d’aménagements nécessaires pour adapter un poste aux besoins d’un(e) salarié(e), de reclassement professionnel, de prestations d’invalidité, de recrutement ou de formation d’un(e) nouvel(le) employé(e).
  • L’employeur doit enfin gérer les conséquences organisationnelles de l’inaptitude, notamment en redistribuant les tâches, en réorganisant les équipes ou en modifiant les processus pour compenser la perte d’un(e) employé(e) inapte.

Peut-on contester l’avis du / de la médecin du travail ?

Oui, il est possible de contester un avis d’inaptitude, mais depuis 2017, la procédure est malheureusement plus contraignante, souligne le Dr Zylberberg. Lorsqu’un(e) médecin du travail émet un avis d’inaptitude, le / la salarié(e) ou l’employeur peuvent contester cet avis en saisissant le conseil de prud’hommes en référé dans un délai de 15 jours (ce qui implique des frais d’avocats). Avant 2017, la contestation pouvait avoir lieu dans les deux mois suivant l’avis d’inaptitude et n’impliquait pas de frais, puisqu’il fallait saisir l’inspection du travail, précise le médecin.

La contestation en tant que telle peut porter sur les avis, les propositions, les conclusions écrites ou les indications émises par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (article L. 4624-7 du code du travail). Le / la professionnel(le) est informé(e) de la contestation par l’employeur et n’est pas partie au litige, mais peut être entendu(e) par les services d’inspection de la médecine du travail (article R. 4624-45 du Code du travail). Et dans certains, il / elle peut même être attaqué(e) par un employeur pour délivrance de certificat de complaisance.

Chaque acte médical nécessite le consentement éclairé du / de la patient(e), rappelle le Dr Zylberberg. Cela s’applique évidemment aux avis d’inaptitude : en toute transparence, on prend rarement une telle décision sans le consentement de la personne concernée. Si elle choisit de privilégier son emploi à sa santé c’est que nous n’avons pas réussi à lui donner suffisamment d’éléments convaincants pour qu’elle priorise sa santé. Il nous arrive donc d’occulter une inaptitude en sachant pertinemment que les conditions d’exercice d’un poste aggravent la santé de notre patient(e).

Comment se passe un tel licenciement ? À quel revenu a-t-on droit dans ce cas ?

Pour rappel, vous pouvez être licencié pour inaptitude dans les cas suivants :

  • vous avez refusé l’emploi que votre employeur vous a proposé ;
  • votre employeur justifie de l’impossibilité de vous proposer un emploi ;
  • l’avis mentionne que votre maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable pour votre santé ;
  • ou l’avis mentionne que votre état de santé rend impossible tout reclassement dans un emploi.

Ce licenciement suit les règles d’un licenciement « classique » pour motif personnel.

Pour ce qui est des indemnisations, si l’inaptitude est dite non-professionnelle, elle est équivalente à une indemnité de licenciement légale. Et si l’inaptitude est dite professionnelle, le montant de l’indemnité équivaut au double de l’indemnité légale de licenciement.



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