« Elle est nympho » : cette expression est souvent employée à tort pour désigner une personne avec un gros appétit sexuel. Qui plus est, elle revêt souvent un caractère péjoratif et dénigrant. En réalité, il s’agit d’une maladie psychique en lien avec l’addiction.
Sexualité addictive, compulsive, ou hypersexualité
Étymologiquement, le terme « nymphomanie » est la contraction de nymphe et de mania, soit la « folie des femmes ». Mais, comme nous l’explique Gregory Fritsch, psychothérapeute* : « Aujourd’hui on parle plutôt de sex addict et 80% des personnes concernées seraient des hommes (selon les études d’Eli Coleman, sexologue américain). »
C’est Joyce Mc Dougall, psychanalyste et essayiste d’origine néo-zélandaise, qui introduit le terme de sexualité addictive à la fin des années 70. Ce concept remplace alors ceux de donjuanisme ou de nymphomanie. Dans tous les cas, il s’agit d’un trouble du comportement sexuel consécutif à des angoisses.
Quelles sont les causes de l’addiction au sexe ?
« C’est surtout le soulagement qui est recherché », explique l’expert. Ce comportement peut être lié à un sentiment d’insécurité affective, une intolérance à la frustration, un débordement émotionnel, une difficulté à la stabilité conjugale, un isolement affectif ou social (malgré ou à cause des sites et applis de rencontres), une dépression masquée, etc. Les idées autour de la sexualité prennent alors plus de place.
D’éventuelles raisons neuroscientifiques
« En imagerie, on a remarqué que les neurones qui permettent de ressentir les informations émotionnelles peuvent être perturbés dans certains cas d’addiction au sexe, mais on ne sait pas vraiment pourquoi », précise Gregory Fritsch.
Quatre phases distinctes identifiées dans la nymphomanie
Comme pour d’autres types d’addictions, des spécialistes ont identifié différentes phases de cette pathologie : « Les psychiatres nord-américains R.C Reed et D. Blaine ont proposé dans leur description nosologique un découpage du cycle de l’addiction sexuelle selon quatre temps. »
- Obsession : parce que la personne a des difficultés existentielles qu’elle n’arrive pas à gérer, elle va focaliser son mental sur le sexe. Cet envahissement de la sphère psychique arrive en réponse.
- Ritualisation : cette idée de systémisation est toujours présente même si elle diffère en fonction des individus.
- Agir sexuel : pour obtenir un soulagement temporaire de la souffrance existentielle
- Désespoir : dû à l’incapacité à se contrôler = sentiment d’impuissance.
Puis on revient à la phase 1.
On se met dans l’action pour tenter de soulager très ponctuellement le problème qui nous habite, mais cela ne le résout pas. Une fois l’acte passé, on le retrouve en boomerang. L’illusion tombe et la tristesse, le remord, le sentiment de honte et de culpabilité, eux, remontent…
De quelle façon se manifeste cette addiction au sexe ?
L’hypersexualité peut se manifester de plusieurs façons :
- drague ou sexualité compulsive, dans laquelle l’autre est considéré uniquement comme un objet partiel et où il ne peut donc pas y avoir de vraies relations avec lui ;
- masturbation très fréquente : on considère qu’à partir de 5 à 15 fois par jour, on est dans l’addiction (selon la grille d’évaluation de dépistage de la sexualité addictive d’Eli Coleman) ;
- fixation compulsive sur un partenaire inatteignable ou, au contraire, rapports amoureux ou sexuels multiples ;
- clivage extrêmement net entre sexualité et amour, etc.
« Dans l’ensemble, le sentiment est remplacé par la sensation : c’est le corps qui reçoit le « semblant » de nourriture affective recherché », explique le psychologue clinicien.
Plusieurs niveaux de dépendance
Qui dit addiction dit plusieurs niveaux de dépendance : il peut y avoir une expérimentation ponctuelle, un usage occasionnel ou festif, ou alors régulier, voire systémique, souvent accompagné d’abus et d’excès. C’est plutôt dans ces derniers cas que les personnes en souffrent le plus.
La notion de souffrance en cause
« Dans les cas d’addiction forte, on va probablement choisir de fréquenter des lieux qui permettent d’assouvir ses pulsions sexuelles, ou de greffer ce comportement avec les nouvelles technologies, ou encore de recourir à la prostitution. Cela peut aussi devenir le seul passe-temps de la personne et là ça devient douloureux, car l’individu sent qu’il ne parvient pas à sortir de l’engrenage », poursuit notre expert.
En outre, ces sexualités addictives sont souvent liées avec des comorbidités telles que la consommation de drogues (GHB, Poppers, cocaïne, etc.). Cela augmente les conduites à risque (comme les barbackings : orgie sexuelle avec partenaires VIH).
Quelles solutions quand on est nymphomane ?
« Avec les patient(e)s qui trouvent la force de consulter, l’idée est de parler dans un cadre neutre et bienveillant, de trouver des solutions adaptées aux problématiques personnelles, mais aussi de leur permettre d’apprécier une relation qui n’est pas sexuelle, afin de pouvoir transposer cette relation dans sa propre vie. Mais parfois, cette pathologie est difficile à dépister parce que les gens n’en parlent pas ou ne réalisent pas la gravité. »
Être « nymphomane », c’est donc tenter de soulager une souffrance ou un problème existentiel par des relations sexuelles compulsives, addictives ou hyperactives. Toutefois, comme le rappelle Gregory Fritsch, tout cela n’est pas immuable :
La gravité de l’addiction sexuelle et amoureuse dépend de la structure psychique de la personne concernée. Ce n’est pas parce que vous êtes addict à un moment que vous le serez toujours. Cela peut évidemment évoluer.
Bien à vous et à votre sexualité équilibrée.
* En savoir plus : le site de Gregory Fritsch.