Enfant précoce : l’identifier, le diagnostiquer, l’accompagner et le soutenir

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Facilités d’apprentissage, maîtrise précoce du langage, curiosité insatiable, mais aussi hypersensibilité, difficultés à concentrer son attention sur un seul sujet, difficultés d’adaptation… la précocité intellectuelle est une richesse qui cache toutefois certains inconvénients. Comment la diagnostiquer et faire en sorte que les enfants concernés puissent s’épanouir sereinement ? Réponses d’Olivia Duran, psychologue clinicienne. 

Qu’est-ce qu’un enfant précoce ?

« Les enfants dits ‘précoces’, sont appelés ainsi en raison du décalage entre leur âge, leur développement psychomoteur, leur développement affectif, et leurs capacités intellectuelles« , indique la spécialiste. Concrètement, ils sont en avance sur plusieurs plans par rapport aux autres enfants de leur âge et bénéficient de facilités de compréhension et d’apprentissage, mais aussi d’intuitions concernant les relations humaines et le fonctionnement du monde, explique-t-elle. 

Quelle différence entre précoce et haut potentiel intellectuel (hpi) ?

Enfant précoce, doué, surdoué, à haut potentiel (HP), à haut potentiel intellectuel (HPI) ou émotionnel (HPE), enfant zèbre, ou encore zébrion… Ces différentes terminologies désignent toutes le même champ de fonctionnement, précise Olivia Duran. La « précocité » est l’un des premiers termes à avoir été employé, puis petit à petit délaissé. Aujourd’hui on lui préfère la notion de « douance ». 

Seul un test de QI peut confirmer le « diagnostic » de précocité, mais certaines caractéristiques peuvent d’ores et déjà mettre les parents et ou professeurs sur la voie. 

Les premiers signes de précocité

  • L’apprentissage rapide de la marche, même si, dans certains cas, les enfants se vexent lorsqu’ils tombent et attendent d’être parfaitement en confiance pour se lancer ; 
  • La fluidité du langage et la compréhension : l’enfant parle très bien et très tôt. Il est rapidement capable de structurer sa pensée, de raisonner et de mener des discussions avec un vocabulaire très riche et une syntaxe élaborée pour son âge ; 
  • L’apprentissage autonome de la lecture ; 
  • Une soif d’apprendre et une curiosité insatiable (l’enfant pose rapidement des questions existentielles sur la vie, la mort, le monde, etc). L’enfant fait preuve d‘un esprit logique et critique très développé. 
  • Une créativité, une imagination débordante et une tendance à rêvasser 
  • Un grand sens de l’humour (ironie, jeux de mots, etc) ; 
  • etc. 

À noter : la précocité intellectuelle peut être associée à d’autres troubles comme les TDAH (troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) et la dyspraxie. L’enfant peut parler très bien, très tôt et rencontrer tout de même des difficultés pour écrire, coordonner ses gestes, etc, explique la psychologue. 

Des centres d’intérêts peu communs

Les enfants précoces peuvent être rapidement passionnés par des sujets plus ou moins complexes : les origines de l’Humanité, les dinosaures, les sciences, les limites du temps et de l’espace, les enjeux moraux, philosophiques, métaphysiques ou politiques, etc. Ils développent également un goût pour les jeux de stratégie et de logique

Dans certains cas, l’intérêt pour un sujet peut aller jusqu’à l’obsession, et retomber soudainement, au profit d’un autre sujet, précise Olivia Duran.

Des difficultés dans la scolarité

Les premiers signes de précocité peuvent être observés très tôt, mais c’est généralement dès l’entrée à l’école maternelle que le fossé avec les autres enfants se creuse.

Le principal signe d’alerte ? L’ennui. En classe, l’enfant précoce peut rapidement perdre sa motivation et sa capacité de concentration. Si un sujet l’ennuie, il s’en détache et préfère s’amuser ou partir dans des rêveries, ce qui peut être considéré comme de l’inattention ou de l’étourderie. Dans les faits, il est simplement en décalage car il ne comprend pas l’intérêt de ce qu’on lui demande, trouve cela inutile ou trop évident. 

Bien souvent, l’enfant a du mal à rester en place, et c’est ce qui mène à la consultation : il réfléchit plus rapidement, n’aime pas les tâches répétitives, a du mal à expliquer son cheminement intellectuel, peut se montrer très perfectionniste (ce qui engendre une certaine lenteur, suivi de doutes et de procrastination), mais aussi perturbateur en classe et supporte mal l’échec. « Autant de caractéristiques qui peuvent compliquer la scolarité et éveiller la jalousie des camarades« , souligne la psychologue.

Les enfants précoces sont souvent très sensibles

Côté affectif, les enfants précoces sont considérés comme hypersensibles, mais aussi très critiques envers les autres, qu’ils jugent parfois rapidement. Nombre d’entre eux préfèrent s’isoler pour ne pas être confrontés aux autres qu’ils ont souvent du mal à comprendre. De fait, leur nature impacte fortement leur vie relationnelle et ils peuvent avoir plus de difficultés à s’intégrer dans des groupes de leur âge. Ils sont aussi facilement en proie au doute, à l’anxiété et à l’auto-dénigrement lorsqu’ils rencontrent des difficultés.  

Tests de QI : quand tester son enfant, et avec qui ?

Le seul moyen de confirmer une précocité est de réaliser un test diagnostic dans le cadre d’un bilan avec un.e psychologue spécialisé.e. Objectif ? Permettre à l’enfant – et à ses parents – de mieux comprendre son fonctionnement et d’envisager, si nécessaire, un accompagnement adapté. 

Les tests utilisés ont été mis au point par David Wechsler, il s’agit du WIPPSI-R-III (pour les enfants de 3 à 6 ans) et du WISC-V (pour les enfants de 6 ans à 16 ans). Ils permettent de déterminer : 

  • l’Indice de compréhension verbale (ICV), qui comporte des subtests verbaux, 
  • l’indice de raisonnement fluide (IRF),
  • l’indice visuospatial (IVS),
  • l’indice de mémoire de travail (IMT) qui permet de tester la mémoire immédiate
  • et l’indice de vitesse de traitement (IVT), qui mesure les compétences neuro-visuelles. 

Les résultats obtenus, une fois combinés, permettent d’évaluer le quotient intellectuel de l’enfant, le fameux QI. 

En théorie, la précocité peut être repérée dès l’âge de 2 ans et demi, mais mieux vaut attendre 4 ou 6 ans avant de passer le test, estime Olivia Duran. Un enfant est considéré comme précoce ou à haut potentiel quand le QI avoisine ou dépasse 130. Mais en réalité, les résultats sont souvent très hétérogènes.

Tous les précoces sont différents, souligne la psychologue. Certains enfants peuvent avoir une très bonne compréhension verbale et une grosse mémoire de travail, mais un raisonnement perceptif moins développé.

« Ces tests de QI sont toujours complétés par des entretiens complémentaires pour décrypter les résultats et décider de mesures de soutien. On prend le temps d’écouter l’enfant, ses questionnements et ses envies, mais on accompagne aussi les parents pour les aider à mieux appréhender la situation et les enjeux d’interactions en famille », explique Olivia Duran. 

Plus les enfants précoces sont identifiés tôt, plus vite ils sont pris en charge et plus vite ils peuvent s’épanouir pleinement. L’objectif principal est de leur éviter le sentiment d’isolement et de décalage. Cela passe notamment par un aménagement stimulant de leur scolarité, mais aussi par l’investissement d’activités extra-scolaires. Attention toutefois, ces enfants ont tendance à se remettre beaucoup en question, il faut donc pouvoir le rassurer et l’encadrer à la juste mesure. L’art sous toutes ses formes (musiques, dessin, peinture, poésie, cinéma, etc) peut être un bon moyen pour aider un enfant précoce à s’épanouir. Des activités telles que le bricolage, les échecs, les jeux de logique, etc, peuvent aussi satisfaire sa curiosité. 

À la maison, soyez attentifs à son bien-être, sans pour autant le surprotéger ou lui accorder plus de passe-droits qu’à ses frères et sœurs. Comme tout enfant, il a besoin d’un cadre contenant et rassurant. Rappelez-lui régulièrement que sa différence est une force en l’aidant à mettre ses mots sur ses ressentis et ses envies. Dès lors qu’il se passionne pour un sujet, encouragez-le, permettez-lui de satisfaire sa curiosité et accompagnez-le dans ses démarches, sans toutefois négliger les autres activités. N’hésitez pas à inviter des ami.e.s à la maison, cela limitera l’isolement dans lequel il peut s’enfermer tout seul, et l’obligera à s’intéresser aux autres enfants de son âge. Prenez aussi garde à ne pas trop le solliciter : comme tout enfant, il a besoin de temps calme et de repos. 

Un accompagnement psychologique peut être envisagé, comme indiqué ci-dessus, pour permettre à votre enfant de mieux s’épanouir, mais aussi pour garantir l’équilibre de la fratrie et des parents : toute la famille est concernée.

Doit-on faire sauter des classes à un enfant précoce ?

« Les classes de petite et de moyenne section peuvent être optionnelles. À partir du CP, il faut envisager le saut de classe au cas par cas, en concertation avec les enseignant.e.s (qui peuvent d’ailleurs être à l’initiative de la proposition) », estime Olivia Duran. Le point de vigilance vient plus tard, au collège, selon elle, car un enfant qui a sauté une ou deux classes peut avoir des difficultés au moment de la puberté et de l’adolescence et ressentir un décalage important, notamment sur le plan affectif et psycho-sexuel.

« L’idéal est d’avoir recours à des établissements spécialisés, comme Gerson ou l’école Georges Gusdorf, à Paris », conseille Olivia Duran. Malheureusement, ce genre d’établissement reste rare et coûteux. La professionnelle recommande d’aborder les spécificités du fonctionnement des enfants concernés avec les enseignants, et de faire appel, si nécessaire, au référent précocité nommé dans chaque Académie. Le changer d’école, le faire sauter une classe ou redoubler ne suffisent pas, si l’enfant ne comprend pas comment il fonctionne. 



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