La cyprine est un mot peu connu par le grand public. Pourtant, ce liquide lubrifiant sécrété en cas d’excitation sexuelle est indispensable pour ne pas sentir de douleurs pendant les rapports sexuels. Les explications de la Dre Joëlle Robion, gynécologue libérale à Melun, vice-présidente du pôle Gynécologie médicale du SYNGOF (Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France).
Définition : c’est quoi la cyprine chez la femme ?
La cyprine est une sécrétion vaginale féminine produite par les glandes de Bartholin en cas d’excitation sexuelle. Elle est en quelque sorte l’équivalent féminin du liquide séminal chez l’homme.
Le terme de cyprine en tant que liquide physiologique, fait référence à la déesse de l’amour puisqu’il est formé à partir du surnom latin de la déesse Aphrodite : Cypris. Mais attention : cyprine est aussi le nom d’un mollusque venu d’Islande ou une variété de minéral et peut même être donné en prénom féminin (même si, du coup, on ne vous le recommande pas). Selon notre experte, les professionnels de santé et patientes ne parlent pas de cyprine, mais plutôt de lubrification, et, dans le langage familier, on parle davantage de « mouille ».
Quelles différences avec les pertes blanches et le liquide éjaculatoire ?
Ce phénomène n’est pas à confondre avec les pertes blanches (dites leucorrhées) ou le liquide éjaculatoire produit lors de l’éjaculation féminine.
- « Les leucorrhées sont des pertes physiologiques permanentes, variables selon plusieurs critères notamment la période du cycle (plus épaisse en période d’ovulation), et proviennent de la glaire cervicale ;
- Le liquide éjaculatoire est un liquide émis au moment de l’orgasme ou en cas d’émission fontaine, par d’autres glandes (glandes de Skene ou para-urétrales). Bref, le vagin produit beaucoup de choses », s’amuse notre spécialiste.
N.B. : une femme qui mouille beaucoup n’est donc pas ce que l’on appelle une femme fontaine.
D’où vient la cyprine ? Quelle est sa composition ?
« La cyprine est une sécrétion composée d’eau, d’urée, de protéines, de bactéries, d’aldéhyde (genre d’alcool), d’acides acétique et lactique, etc. Elle est issue des glandes de Bartholin (aussi nommées glandes vestibulaires majeures) et va notamment lubrifier la vulve grâce à de mini-orifices situés autour de cette dernière. On émet entre 1 et 4 ml de lubrification par rapport, mais c’est très variable selon les femmes », détaille Joëlle Robion. Notez que cette lubrification aurait aussi lieu à l’intérieur du vagin par un ingénieux système de transpiration interne.
La lubrification témoigne souvent de l’excitation sexuelle de la femme. Mais attention : cyprine peut aussi rimer avec peur et système de défense naturel. En effet, on sait qu’en cas de viol, les femmes (et femelles chez certains animaux) peuvent émettre ce liquide afin d’éviter de souffrir.
À quoi sert cette sécrétion vaginale ?
La cyprine aurait plusieurs fonctions.
- La lubrification : l’intérêt premier de ce liquide est de « mouiller » le sexe et ainsi de favoriser la pénétration. « Comme le liquide séminal de l’homme, la cyprine permet d’éviter les irritations en cas de frottements » ;
- L’autonettoyage du vagin et la protection contre les agents externes : « ca cyprine pourrait servir de première barrière contre les infections sexuellement transmissibles afin de limiter leur propagation, mais en aucun cas elle ne remplace le préservatif, bien sûr ! » ;
- La facilitation du transport du liquide séminal : « ce liquide favorise aussi le transport des spermatozoïdes vers l’utérus ». Toujours pour la reproduction, la perpétuation de l’espèce, tout ça, tout ça.
La cyprine a-t-elle des bienfaits ?
« Je n’ai rien retrouvé là-dessus », affirme Joëlle Robion. « Comme la cyprine contient de l’acide lactique, elle pourrait avoir un effet peeling et anti-âge, mais cela n’a été ni étudié, ni dit, ni prouvé. Comme la spermidine (ou spermine), substance continue dans le sperme, la cyprine pourrait donc avoir des bienfaits, mais on ne s‘y est pas encore intéressé (hasard ? Je ne crois pas) ». Affaire à suivre en tout cas.
La cyprine a-t-elle une odeur, une couleur, un goût ?
Divers facteurs peuvent modifier l’aspect de cette sécrétion vaginale : cycle menstruel, certains médicaments, dérèglements hormonaux, consommation d’alcool… sans toutefois altérer sa fonction lubrifiante.
Quelle est sa couleur et pourquoi ?
« Plutôt de couleur transparente, ce liquide peut varier légèrement de teinte selon les femmes, la période du cycle, la ménopause, la prise de médicaments, la grossesse, etc. En cas d’infections, toutes les sécrétions se modifient », explique l’experte. « Un changement notable de couleur, mais aussi d’odeur, peut donc interroger et nécessiter une consultation médicale ».
Est-ce que la cyprine a une odeur ?
Bien que chaque femme ait son odeur particulière, ce liquide est relativement inodore, poursuit Joëlle Robion. L’alimentation pourrait avoir un rôle dans l’odeur et le goût de la cyprine, mais cela n’est pas prouvé.
Pourquoi la cyprine est acide ?
On sait que la cyprine aurait un pH compris entre 3,8 et 4,5 et serait donc relativement acide (les pH inférieurs à 7 étant considérés comme acides). Et les IST (infections sexuellement transmissibles) augmenteraient aussi son acidité (source 1). Pour le reste, ainsi que le souligne notre gynécologue : « ce n’est pas très objectif. Comme pour son aspect et son odeur, on peut supposer que son goût varie en fonction des fluctuations hormonales, de l’hygiène de vie, de l’alimentation, etc. ».
Est-ce que la « mouille » d’une femme peut tâcher ?
« Oui, cette sécrétion vaginale tache légèrement, un peu comme le liquide préséminal des hommes. Cela laisse des traces blanches, mais pas de façon irrémédiable ». Elles partent à l’eau et au savon sans problème, voire juste à l’eau.
Peut-on donner un bon goût ou une bonne odeur à cette lubrification vaginale ?
- Alimentation : « encore une fois, l’alimentation peut sans doute jouer un léger rôle, mais on ne peut pas donner un aliment précis ni affirmer que c’est un facteur déterminant sur l’odeur et le goût de ce liquide vaginal » ;
- Préservatifs ou gel lubrifiant parfumés : « ils peuvent donner une odeur et un goût agréable, mais ils n’interféreront pas directement sur celui de la cyprine » ;
- Hygiène corporelle : « si l’hygiène du corps est bien sûr importante, se laver avant un rapport ne changera pas le goût de nos sécrétions » ;
- Hygiène de vie : il y a de fortes raisons de croire qu’avoir une bonne hygiène de vie, en mangeant notamment des fruits des légumes et des céréales, ne peut qu’avoir un effet positif sur nos odeurs corporelles (et pas seulement).
En somme il n’y a pas de produit miracle pour sentir bon de la lubrification, et c’est tant mieux. Rappelons que, dans l’ensemble, les sécrétions corporelles ne sentent pas la rose. Mais cela ne nous repousse pas toujours, il arrive même fréquemment que cela nous attire. Alors, à moins d’avoir un doute sur une éventuelle IST, venez comme vous sentez/goûtez !
Que faire si on manque de lubrification vaginale ?
Si la production de cyprine diminue, on parle de sécheresse vaginale, mais c’est aussi et surtout l’absence des leucorrhées (pertes blanches) qui est à l’origine de la sécheresse vaginale, précise notre experte gynécologue.
« En effet, on sait qu’à la ménopause beaucoup de femmes continuent d’avoir de la cyprine lors du rapport sexuel alors qu’elles ressentent de la sécheresse vaginale en temps normal. Mais au besoin, on peut utiliser un lubrifiant aqueux, c’est-à-dire à base d’eau et compatible avec les préservatifs (cela remplace plutôt bien la cyprine), et/ou en discuter avec son gynécologue ».
Par ailleurs, comme la déesse cyprine est très sensible au désir on tente de stimuler ce dernier par différents moyens :
- Imaginer des scènes qui font monter le désir sexuel et se faire des films sexy dans sa tête ;
- Réaliser des fantasmes partagés avec un.e partenaire ;
- Éveiller la sensualité et l’érotisme chez soi ou chez l’autre.
En bref, si on ne mouille pas, on peut tenter de stimuler son désir par différents moyens et/ou utiliser du lubrifiant (une huile neutre peut aussi remplacer un lubrifiant), ou encore simplement juger qu’il y a peut-être une bonne raison à cela. C’est votre choix.
Est-il possible de faire une allergie à la cyprine ?
« Oui, c’est possible, mais c’est compliqué de le prouver. Autant l’allergie au sperme est bien décrite, autant on a moins parlé de celle-là. Comme dans d’autres allergies, les premiers symptômes surviendront en général rapidement après le rapport sexuel et seront caractérisés par des démangeaisons ou irritations au niveau des zones de contact avec la cyprine. Il conviendra alors de consulter un gynécologue ou un allergologue ».
Sauf exception, la cyprine, ou « mouille » est donc une substance souvent synonyme de désir, elle a pour principal rôle de faciliter la reproduction, mais possède plein d’autres tours dans son vagin et peut être facilement remplacée par un lubrifiant quand elle vient à manquer.
Bien à vous et aux sexes qui transpirent de désir.