Comment reconnaître les signes du Covid-19 chez le bébé et l’enfant ?

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Nous sommes déjà bien embêtés lorsque la Covid-19 nous affaiblit. Mais lorsqu’il s’agit de nos enfants… l’inquiétude est instantanément décuplée. D’autant que chez les bébés et les enfants, les symptômes de l’infection respiratoire peuvent varier ou être tout à fait inexistants. Pour y voir plus clair, nous avons interrogé le Dr Christophe Batard, pédiatre à Vincennes et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire.

Qu’est-ce que la Covid-19 ?

Cela fait un peu plus de trois ans que la Covid-19 s’est invitée dans nos vies et joue les trouble-fêtes sur la planète. À l’origine ? Un nouveau coronavirus identifié en Chine en décembre 2019 et nommé SARS-CoV-2, qui appartient à une importante famille des coronavirus provoquant le plus souvent des rhumes et des syndromes grippaux bénins.

« Toutefois, deux coronavirus ont déjà entraîné des épidémies graves chez l’Homme : le SRAS-CoV (syndrome respiratoire aigu sévère – coronavirus) en 2002-2003 et le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome-Coronavirus) depuis 2012 », rappelle Santé Publique France. Comme le SRAS-CoV et le MERS-CoV, la Covid-19 a une origine animale. « Pour infecter l’humain, il doit donc s’adapter, d’où ses mutation fréquentes, le rendant ainsi de plus en plus contagieux », explique le Dr Christophe Batard.

Quels sont les symptômes Covid-19 chez le bébé et l’enfant ?

L’étude Ped-Covid coordonnée par l’hôpital Necker (AP-HP, Paris) et l’Institut Pasteur auprès de 775 enfants (de 0 à 18 ans), a indiqué que les enfants positifs à la Covid-19 sont dans la majorité des cas peu symptomatiques. Ainsi 69,4 % de ces enfants n’ont pas eu de symptômes évocateurs. « Souvent, la maladie se manifeste par un syndrome grippal : du type gastro-entérite, ou alors de la toux, de la fièvre, voire un simple rhume, confie le Dr Christophe Batard. D’où la difficulté d’identifier cliniquement la Covid 19. Ce matin encore, j’ai vu en consultation une petite fille de six ans qui avait juste un peu de fièvre et mal à la gorge, pour laquelle j’ai réalisé un test antigénique qui s’est révélé positif à la Covid-19. »

Pour mémoire, d’après l’étude « Vigil » du Pr Robert Cohen, les principaux signes cliniques retrouvés chez l’enfant, pouvant faire suspecter une Covid-19 sont principalement :

  • chez les enfants au-dessus de six ans : maux de tête, anosmie (absence d’odorat) et agueusie (absence de goût)
  • chez tous les enfants : n’importe quel symptôme retrouvé dans toutes les infections virales banales comme une toux, de la fièvre, une diarrhée, des vomissements.

Le croup, une nouvelle complication du variant Omicron chez les enfants

Selon une étude américaine parue dans la revue Pediatrics le 8 mars 2022 (source 4), l’infection au variant Omicron chez les jeunes enfants serait liée à l’apparition d’une nouvelle complication : le croup. Cette laryngo-trachéo-bronchite grave est reconnaissable par une toux « aboyante » et une respiration stridente, dues à une inflammation de la gorge et un gonflement du larynx qui gêne le passage de l’air.

Entre mars 2020 et janvier 2022, les médecins de l’hôpital pédiatrique de Boston (Massachusetts, USA) ont soigné 75 enfants, essentiellement des garçons de moins de 2 ans, pour cette affection. 80 % des cas se sont déclarés pendant la vague du variant Omicron. Si aucun enfant suivi par les médecins américains n’est décédé du croup, l’état de santé de 12 % d’entre eux a justifié une hospitalisation, dont presque la moitié en soins intensifs.

Une explication possible à ce phénomène est la « préférence » du variant Omicron pour les voies respiratoires supérieures. Dans les cas les plus graves, l’inflammation de la gorge peut entraîner des difficultés respiratoires et nécessiter une intubation, voire l’administration d’adrénaline combinée à des stéroïdes.

Lorsque les enfants souffrent d’une insuffisance respiratoire, une oxygénothérapie, voire une intubation dans les cas extrêmes, peut être envisagée. S’il s’agit d’un cas modéré, après consultation, l’enfant peut être pris en charge à la maison, selon les recommandations des médecins.

Enfant difficile à table : et si c’était dû à la parosmie liée à la Covid-19 ?

La parosmie induite par la Covid-19 pourrait être en cause dans les changements de comportements alimentaires de certains enfants, devenus presque subitement des “mangeurs difficiles”. Cette parosmie ou dérèglement de l’odorat résulterait de l’inflammation nasale engendrée par le Sars-CoV-2. Endommagés, les récepteurs sensoriels impliqués dans l’odorat ne parviennent plus à la bonne identification des odeurs. En clair, notre perception olfactive est erronée. Pour certaines personnes, par exemple, la nourriture chaude se met alors à sentir les poubelles ou les excréments.

Selon des chercheurs de l’Université d’East Anglia (UEA, Royaume-Uni), les enfants ayant été infectés pourraient devenir plus difficiles à table du fait d’une parosmie liée à la Covid-19. Dans une déclaration publiée en janvier 2022 sur le site Web de l’UEA, le professeur Carl Philpott, Professeur de rhinologie et d’olfactologie, a ainsi expliqué le phénomène : “On pense que la parosmie est le produit d’une diminution du fonctionnement des récepteurs olfactifs, ce qui conduit à ne pouvoir capter que certains des composants d’un mélange d’odeurs.” Il a ajouté un parallèle avec la musique : “Ce sont toutes les bonnes notes mais pas forcément dans le bon ordre.”

Bien que vraisemblablement plus rare chez l’enfant, la parosmie peut survenir suite à une infection par le Sars-CoV-2, et engendrer ce qui pourrait être confondu avec des troubles du comportement alimentaire. L’enfant peut se mettre à refuser un aliment dont il raffolait jusqu’alors, comme le chocolat. Heureusement, il existe des astuces pour surmonter cette période difficile, en attendant que l’odorat revienne comme avant. L’enfant pourra par exemple manger avec un pince-nez, et/ou manger des aliments plus fades pour ne pas sentir ces “fausses odeurs” d’oeufs pourris, de soufre ou de poubelles. Tenir un carnet alimentaire peut également aider à savoir quel aliment engendre quelle odeur, et ainsi les choisir en conséquence pour manger quelque chose qui sent bon.

Par ailleurs, il es possible de suivre une rééducation de l’odorat pendant plusieurs mois. Elle consiste notamment à sentir chaque jour plusieurs odeurs, choisies pour balayer un large spectre olfactif. À noter : en collaboration avec l’Université d’East Anglia, l’association caritative britannique Fifth Sense (5e sens) a conçu un guide pour les parents dont l’enfant est atteint de parosmie suite à la Covid-19. L’idée étant de leur fournir des informations, conseils et astuces pour aider l’enfant à s’alimenter malgré tout.

Quand faut-il faire un test PCR ?

Les rhumes étant très fréquents chez les enfants, doit-on faire tester sa progéniture à chaque épisode d’infection ORL ? « On ne va pas tester tous les enfants qui ont le nez qui coule ou qui toussent, rétorque le pédiatre. En revanche, on a recours à un test systématiquement lorsqu’il y a un cas positif dans l’entourage (famille, école, activité sportive) ou lorsque l’enfant de plus de 6 ans a des symptômes évocateurs de la Covid-19. » Par ailleurs, depuis le 10 janvier, lorsqu’un enfant de moins de 12 ans est cas contact à l’école, il ne doit plus réaliser un test PCR ou antigénique. Un résultat négatif d’un autotest suffit pour retourner à l’école.

Pour les enfants de moins de six ans, il est possible de pratiquer un prélèvement par test salivaire afin de réaliser une PCR. « Mais, tous les laboratoires ne le pratiquent pas car il nécessite une PCR très spécifique », précise le médecin. En attendant le résultat, l’enfant doit rester à la maison, limiter les contacts avec l’extérieur et appliquer les gestes barrières.

En cas de test positif chez les moins de 12 ans ou les plus de 12 ans vaccinés, l’enfant devra être isolé pendant sept jours à compter des premiers symptômes pour les cas symptomatiques ou à partir du jour du test positif pour les cas asymptomatiques. « Si des symptômes apparaissent, il faut consulter son pédiatre ou son médecin traitant », souligne le Dr Batard.

Quels sont les risques chez l’enfant atteint de la Covid-19 ?

Les enfants infectés par le SARS-CoV-2 présentent des symptômes beaucoup moins sévères que les adultes et dans la grande majorité des cas n’ont pas besoin d’être hospitalisés. En revanche, comme chez l’adulte, les facteurs de comorbidité (obésité, immunodépression,maladie chronique) exposent les jeunes patients à développer une forme sévère de la maladie. « L’étude PANDOR a ainsi montré que 21 % des enfants de 0 à 17 ans ayant souffert d’une forme sévère de Covid-19 pédiatrique présentaient des comorbidités alors que ces enfants ne représentent que 6 % de leur classe d’âge, confirme la Haute Autorité de santé (source 1). Un premier travail conduit en Ile-de-France, incluant 106 cas de PIMS (ndlr : syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique ) avec un lien confirmé avec la Covid-19, a quant à lui montré que 26 d’entre eux présentaient des comorbidités. »

Le syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS)

Si les complications observées chez l’enfant sont rares, le syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS) est grave et doit être diagnostiqué précocement afin d’être pris en charge rapidement en milieu hospitalier. Depuis le 2 mars 2020, 781 cas de PIMS ont été signalés par les pédiatres, 318 ont nécessité un séjour en réanimation et 199 en unité de soins critiques (source 2). « Le PIMS est dû à une réaction excessive du système immunitaire, précise le Dr Christophe Batard. Il survient généralement entre quatre à cinq semaines après une infection par le virus SARS-CoV-2 ».

Les signes cliniques les plus fréquents du PIMS sont :

  • une fièvre élevée, souvent supérieure à 39 °C ;
  • une altération de l’état général : fatigue, perte d’appétit, frissons, douleurs diffuses ;
  • des signes digestifs : douleurs abdominales, diarrhées, nausées, vomissements ;
  • une tension artérielle basse ;
  • une éruption cutanée.

Une étude menée par des équipes de l’hôpital Robert-Debré AP-HP et de l’Université de Paris et publiée le 20 décembre 2021, conclut que la vaccination contre la Covid-19 réduit le risque de syndromes inflammatoires multi-systémiques pédiatriques. Les données de 107 patients de moins de 18 ans souffrant de PIMS durant cette période ont été inclus dans l’étude. « La faible proportion d’enfants vaccinés hospitalisés pour PIMS suggère que le risque d’en souffrir est très significativement diminué une fois une première dose reçue et donc montre le bénéfice individuel de la vaccination chez les adolescents » peut-on lire dans le communiqué.

Des chercheurs de l’Université de Yale (Connecticut, États-Unis) ont tenté d’éclaircir ce phénomène de sur-réaction immunitaire dans une étude publiée en mai 2021. L’étude conclut que dans de rares cas, la réponse immunitaire des enfants leur déclenche une cascade de réactions qui endommage les tissus sains, ce qui les rendent plus vulnérables aux attaques d’auto-anticorps. « L’immunité innée peut être plus active chez les enfants infectés par le virus”, a déclaré Carrie Lucas, Professeure d’immunologie et co-auteure de l’étude.

Le Covid long

Il arrive que certains enfants, surtout les adolescents, développent un Covid long. Cependant, la plupart des études semblent montrer aujourd’hui que les symptômes prolongés de Covid-19 ne persistent pas au-delà de 12 semaines. « Il s’agit surtout d’une fatigue qui dure des semaines, ajoute le pédiatre. On retrouve également cette fatigue longue dans le cadre d’autres infections virales comme la mononucléose infectieuse. »

Pourquoi les enfants développent-ils moins des formes graves de la Covid-19 ?

Comme le montre les chiffres, les enfants développent moins de formes graves de la Covid-19 que les adultes. Une nouvelle étude publiée en novembre 2021 dans la revue Frontiers in Immunology et menée par des chercheurs de l’Inserm, de l’Université d’Angers et du CHU d’Angers et des membres du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA) a démontré que la réponse interféron, qui fait partie de la réponse immunitaire innée n’est pas la même selon l’âge des patients. Cela pourrait donc expliquer pourquoi les enfants sont moins à risque de développer des formes graves  » les enfants seraient protégés en raison d’une réponse immunitaire innée locale plus forte, au niveau de la muqueuse nasopharyngée » peut-on lire dans l’étude.

 « Ainsi, les enfants âgés de moins de 15 ans ont une expression accrue d’interférons de type III, molécules peu inflammatoires et d’action locale, qui contrôlent le virus localement au niveau de son point d’entrée, dans la muqueuse nasopharyngée. À l’inverse, les adultes, et en particulier les personnes âgées, expriment préférentiellement des interférons de type I, qui sont inflammatoires et ont une action plus systémique (dans tout l’organisme) » précise l’étude.

La Covid-19 chez le bébé

Si les bébés peuvent aussi être infectés par le virus SARS-CoV-2, ils développent très rarement des formes graves de la maladie. Chez les tout-petits, la Covid-19 peut se traduire par un rhume, de la fièvre, une toux sèche et irritativeet des signes digestifs (diarrhée, vomissements). La contamination se faisant dans la majorité des cas d’adulte à enfant, il est préconisé de :

  • bien se laver les mains avant de s’occuper de son nourrisson mais aussi après,
  • ne pas mettre la tétine de son enfant à la bouche,
  • porter le masque en présence de symptômes respiratoires,
  • limiter les visites,
  • et surtout faire un test chez les parents lorsque ces derniers présentent des symptômes.

J’ai diagnostiqué au cabinet un petit nourrisson de 16 jours ayant la Covid-19 et dont les deux parents avaient été contaminés quelques jours auparavant, illustre le Dr. Christophe Batard.

Peut-on continuer à allaiter ?

Étant donné le rôle insignifiant du lait maternel dans la transmission d’autres virus respiratoires, l’Académie de médecine préconise que la mère atteinte de la Covid-19 – asymptomatique ou ayant peu de symptômes – continue d’allaiter son enfant.

« À condition de prendre des mesures de protection vis-à-vis de son bébé : port d’un masque chirurgical à chaque tétée, lavage soigneux des mains avant et après la tétée, nettoyage des surfaces contaminées, etc. », ajoute celle-ci.

La vaccination des 5-11 ans recommandée mais non obligatoire

La vaccination des enfants âgés de 5 à 11 ans est ouverte depuis le 22 décembre 2021. Cette mesure fait suite à la recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS) du 20 décembre (source 3). « Sur la base des dernières données disponibles et après avoir auditionné les parties prenantes, la HAS propose d’ouvrir la vaccination aux enfants de cette classe d’âge, sans obligation et sans que cela conditionne l’obtention d’un passe sanitaire, et en priorisant les enfants de moins de 12 ans scolarisés au collège ».

La HAS recommande que la vaccination de cette classe d’âge soit effectuée avec le vaccin Comirnaty® (avec une posologie adaptée). Cette recommandation vaccinale concerne les 5,77 millions d’enfants âgés de 5 à 11 ans en France.

Cette vaccination n’est pas obligatoire et doit « se faire de façon volontaire« . Elle ne conditionne pas l’obtention d’un pass sanitaire, qui n’est d’ailleurs plus en vigueur actuellement.

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