Colostomie (anus artificiel) : indications, temporaire ou définitive, entretien de la poche

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La colostomie est une intervention chirurgicale qui consiste à raccorder une partie du gros intestin (le côlon) à la paroi abdominale en créant une petite ouverture au niveau de la peau (stomie) qui permet d’évacuer les selles lorsqu’elles ne peuvent plus être évacuées par les voies naturelles. Cancer du côlon, maladie de Crohn, colite ulcéreuse… Quelles sont les indications de cette intervention ? Comment se déroule-t-elle ? Quelles sont les précautions nécessaires au quotidien ? Réponses du Pr Michel Ducreux, chef du service d’oncologie digestive à l’Institut Gustave Roussy.

Définition : qu’est-ce qu’une colostomie ?

Comme indiqué ci-dessus, la colostomie désigne l’abouchement du gros intestin à la peau du ventre. Autrement dit, les chirurgiens frayent un passage à travers les muscles de la sangle abdominale et la paroi abdominale pour coudre le côlon à la peau du ventre, explique le Pr Ducreux. Les selles sont donc évacuées au niveau de l’ouverture ronde (la stomie) créée à quelques centimètres du nombril et surnommée « anus artificiel ». Leur flux ne peut pas être contrôlé et elles sont réceptionnées dans une « poche » de colostomie qui doit être régulièrement vidée ou changée selon le siège de la colostomie et la consistance des selles.

Colostomie temporaire ou définitive, terminale ou latérale ?

La colostomie peut être temporaire (colostomie dite de décharge) si le chirurgien compte rétablir la continuité digestive au cours d’une prochaine opération. On l’envisage notamment lorsqu’une partie du côlon doit être mise au repos, par exemple pour permettre l’assèchement de fistules ou d’un abcès. Dans le cas d’une colostomie définitive, le chirurgien ne rétablira pas la continuité digestive. On l’envisage par exemple lorsque le rectum et l’anus ont dû être retirés et que l’on n’a donc pas pu conserver la fonction sphinctérienne.

Par ailleurs, la principale différence entre une colostomie latérale et terminale est la section du côlon qui est utilisée pour créer la stomie :

  • La colostomie latérale (aussi dite colostomie de Hartmann) est créée en prenant une boucle de l’intestin du côlon sigmoïde et en la tirant à travers une incision pratiquée dans la paroi abdominale. La partie inférieure de l’intestin est dirigée vers l’extérieur du corps pour permettre aux matières fécales de sortir. La partie supérieure de l’intestin, elle, est laissée en place et fermée pour éviter la sortie des matières fécales.
  • La colostomie terminale, elle, est créée en prenant une extrémité du côlon et en la tirant à travers une incision pratiquée dans la paroi abdominale. La partie inférieure de l’intestin est dirigée vers l’extérieur du corps pour permettre aux matières fécales de sortir. La partie supérieure de l’intestin est retirée ou déconnectée, ce qui signifie que les matières fécales ne peuvent plus passer par l’anus

Colostomie ascendante, transverse, descendante ou sigmoïdienne ?

Pour rappel, le côlon est constitué de quatre segments : le côlon droit (aussi dit côlon ascendant), situé du côté droit du corps ; le côlon transverse, qui relie le côlon droit au côlon gauche ; le côlon gauche (aussi dit côlon descendant), situé du côté gauche du corps et le côlon sigmoïde, qui relie le côlon gauche au rectum.

Selon le siège de la colostomie, on distingue donc :

  • la colostomie ascendante (le type de colostomie le plus rare) ;
  • la colostomie transverse ;
  • la colostomie descendante ;
  • et la colostomie sigmoïdienne (le type de colostomie le plus fréquent).

À noter : selon le segment de côlon concerné, les selles recueillies dans la poche n’auront pas la même consistance. Étant donné que le côlon absorbe l’eau contenue dans les selles, il est normal qu’elles soient très liquides au niveau du côlon ascendant et plus solides au niveau du côlon sigmoïde.

Le schéma d'un côlon

© Institut national de Cancer (source 1)

Indications : quand et pourquoi pratiquer une colostomie ?

  • Une colostomie peut être pratiquée dans le cadre du traitement d’un cancer du côlon, d’un cancer du rectum ou d’un cancer de l’anus, lorsqu’une partie importante du côlon doit être retirée chirurgicalement. Elle peut aussi être réalisée si une partie du côlon a été envahie par des métastases provenant d’un autre foyer (en cas de cancer de la prostate ou de cancer des ovaires, par exemple).
  • Elle peut aussi être réalisée en cas de maladies inflammatoires de l’intestin, telles que la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique ou la colite ulcéreuse, lorsque les traitements médicaux ne sont pas suffisamment efficaces.
  • Certains traumatismes intestinaux (accident, agression, etc.) peuvent nécessiter une colostomie, notamment en cas de perforation ou d’occlusion.
  • Dans certains cas d’infection sévère, ou si certaines plaies ont besoin d’un délai de cicatrisation, une colostomie peut être nécessaire pour permettre à l’intestin de se reposer et de guérir.
  • Les nourrissons nés avec des anomalies congénitales du tractus gastro-intestinal peuvent avoir besoin d’une colostomie pour dévier leurs selles et éviter les complications.
  • Enfin, certains cas d’incontinence fécale peuvent justifier la création d’un anus artificiel. ​​​

Quelles précautions prendre avant l’opération ?

Avant une colostomie, il est important de prendre certaines précautions pour minimiser les risques et faciliter la récupération. Dans un premier temps, vous serez reçu(e) par le chirurgien qui doit vous opérer. Objectif ? Prendre connaissance des détails de l’intervention et poser toutes les questions qui vous préoccupent. Au terme du rendez-vous, vous devez être informé(e) des précautions à prendre et des risques de l’intervention avant de donner votre consentement éclairé. S’en suit une consultation avec le médecin anesthésiste, qui permet d’écarter d’éventuels facteurs de risque. Avant l’intervention, certains examens médicaux pourront aussi vous être prescrits : examens sanguins, test de coagulation, électrocardiogramme, etc.

En ce qui concerne le régime alimentaire, suivez les recommandations de votre médecin. La plupart du temps, il est conseillé de suivre un régime d’épargne digestive (régime sans résidu) avant l’intervention. Certaines habitudes alimentaires peuvent aussi prévenir la constipation ou la diarrhée.

Pour faciliter l’intervention, vous devrez aussi ingérer une préparation laxative visant à éliminer les matières fécales et les résidus avant l’opération. Elle pourra éventuellement être complétée par des lavements nettoyants. Par ailleurs, vous devrez :

  • avoir pris une douche avec un produit antiseptique.
  • être à jeun (arrêter de manger au moins 6 heures avant l’intervention et arrêter de boire au moins 3 heures avant l’intervention) ;
  • avoir arrêté de fumer dans les deux mois qui précèdent l’intervention (ou du moins avoir fortement limité votre consommation) pour favoriser la cicatrisation ;
  • quant à l’alcool, mieux vaut éviter de boire dans les sept jours qui précèdent l’opération. Et évidemment bannir toute boisson alcoolisée le jour J.

Comment se déroule une colostomie ? Combien de temps dure-t-elle ?

La colostomie peut être programmée ou décidée en urgence. Elle dure généralement moins d’une heure, et peut être pratiquée de façon isolée ou précédée de l’ablation d’une partie du côlon.

Elle est réalisée sous anesthésie généraleaprès une laparotomie (le chirurgien ouvre l’abdomen) ou, idéalement, après une laparoscopie (le chirurgien introduit un endoscope et de petits instruments chirurgicaux via de petites incisions dans l’abdomen).

Une fois le segment du côlon abouché à la peau du ventre, il est fixé grâce à du fil résorbable. La poche permettant de vidanger les intestins est ensuite positionnée autour l’orifice de sortie (la stomie). L’extrémité « libre » du tube digestif peut être coupée et refermée avec des agrafes ou des points de suture : on parle de moignon rectal. Celui-ci ne fonctionne plus, mais il peut produire du mucus qui peut être évacué par l’anus.

Quelles sont les complications possibles après la pose d’un anus artificiel ?

Différentes complications locales peuvent survenir après une colostomie. Elles nécessitent parfois une prise en charge chirurgicale :

  • des douleurs ;
  • des saignements ;
  • une infection ;
  • une nécrose de la stomie ;
  • une mycose au niveau de la stomie ;
  • la formation d’une hernie près de la stomie ;
  • une sténose ou une rétraction de la stomie (elle s’enfonce dans l’abdomen) ;
  • un prolapsus stomial (le côlon dépasse et « sort » de la stomie) ;
  • une éventration péristomiale (l’orifice musculaire au travers duquel passe le colon s’élargit) ;
  • etc.

Au quotidien, quelles sont les conséquences d’une colostomie ?

Après l’intervention, vous resterez plusieurs jours à l’hôpital, en convalescence. L’occasion d’apprendre à vivre avec votre appareillage. Un(e) stomathérapeute vous aidera à choisir le type de poche de colostomie qui vous convient et vous apprendra petit à petit l’entretenir par vous-même.

Il est tout à fait normal que la stomie soit « enflée » dans les jours qui suivent l’intervention. Elle peut même saigner légèrement car elle est très vascularisée. Il est donc important de la protéger pour éviter les saignements intempestifs.

En théorie elle n’est pas douloureuse car la muqueuse du côlon ne comporte pas de nerfs sensitifs. Mais en cas de douleurs, l’équipe médicale vous administrera des antalgiques par voie intraveineuse, voire un anesthésique péridural.

L’anus artificiel prendra son apparence définitive quelques semaines après l’intervention : un cercle rouge vif de quelques centimètres de diamètre qui ressort légèrement à la surface de la peau.

Quand changer une poche de stomie ?

La stomie nécessite des soins d’hygiène au quotidien : elle doit être lavée tous les jours à l’eau et au savon doux, puis séchée précautionneusement.

Les poches de stomie doivent rester en place toute la journée. Elles doivent être nettoyées ou jetées après chaque selle et remises en place. Côté logistique, mieux vaut garder un gant de toilette, des compresses, une poche de stomie neuve et un sac-poubelle à portée de main.

À noter : étant donné la gêne potentiellement occasionnée par l’évacuation des selles, il est parfois possible de réaliser un lavement pour vidanger le côlon et ne pas avoir à vider la poche pendant toute une journée

Quid de l’alimentation, de l’activité physique et sexuelle ?

La reprise de l’alimentation est très progressive : vous commencerez par ingérer des aliments sous forme liquide, puis vous renouerez progressivement avec des aliments solides. En cas de diarrhées ou de constipation, favorisez les aliments antidiarrhéique ou anti-constipation. Par ailleurs, pour avoir un bon transit, veillez à manger équilibré et à heures fixes, à boire suffisamment et à bien mâcher.

Porter une poche de stomie au quotidien n’empêche en rien de travailler, de conduire ou de réaliser ses tâches quotidiennes. Côté vestimentaire, portez ce qui vous plaît, en veillant toutefois à ce que vos vêtements, ou vos sous-vêtements, ne compriment pas la stomie.

Sauf avis contraire de votre médecin, vous pouvez tout à fait reprendre une activité physique régulière (y compris la natation, car les poches sont étanches). Seuls les sports de contact comme la boxe, le rugby ou la lutte sont généralement déconseillés.

En ce qui concerne la sexualité, là encore, aucune contre-indication à signaler ! Les difficultés rencontrées ne sont pas tant d’ordre technique, mais plutôt d’ordre psychologique : vous pouvez tout à fait être gêné(e) par votre poche.

Enfin, un suivi psychologique est fortement recommandé, car la stomie peut avoir un fort retentissement psychologique étant donné les modifications corporelles et intimes qu’elle implique. L’aide d’un(e) spécialiste pourra vous aider à reprendre petit à petit confiance en vous et en votre corps pour mener la vie la plus « normale » possible, en dépit des aménagements spécifiques liés à la poche de stomie.



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