Tiré de l’anglais « boredom », qui signifie « ennui », le bore-out désigne un état d’ennui, de frustration et de désengagement professionnel provoqué par une sous-charge de travail ou un manque de stimulation intellectuelle au travail. On peut l’opposer au burn-out, qui, à l’inverse, est causé par un surmenage et un stress excessif.
Toutefois, assez étonnement, les symptômes physiques et psychiques du burn-out se rapprochent beaucoup de ceux du bore-out. Comment les identifier et comment retrouver le goût du travail ? Réponses de Mélissa Pangny, psychologue du travail et de Sylvie Chauvin, psychologue libérale et praticienne chez Moka. Care.
Définition : qu’est-ce qu’un bore-out ?
Le bore-out, aussi connu sous le nom de « syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui », se caractérise par un ennui profond et prolongé au travail, doublé d’une importante frustration et d’un désengagement professionnel.
Les personnes qui souffrent de bore-out peuvent se sentir inutiles, sous-utilisées et frustrées de ne pas pouvoir utiliser leurs compétences – et ce d’autant plus que ce phénomène est souvent tabou et source de grandes souffrances, indique Mélissa Pangny. Et d’ajouter :
Le bore-out n’est pas seulement une question de quantité de travail, mais aussi une question de qualité du travail.
La diminution de la charge de travail peut en effet être quantitative (les missions à effectuer sont de moins en moins nombreuses) ou qualitative (les missions sont de moins en moins challengeantes, ce qui dévalue l’intérêt du poste).
Quelle différence avec un burn-out ou un brown-out ?
Le burn-out, le bore-out et le brown-out ont de nombreuses similitudes, mais diffèrent toutefois au niveau de leur nature et de leurs causes.
- Le burn-out désigne un épuisement professionnel causé par un stress chronique et une surcharge de travail. Il est souvent causé par un déséquilibre entre la charge de travail, les ressources disponibles et des attentes irréalistes de la part de l’employeur ou du travailleur lui-même.
- Le bore-out, lui, est causé par un manque de stimulation et de défis au travail. Il peut être causé par un manque d’opportunités de développement professionnel, une mauvaise communication, une absence de reconnaissance ou de soutien, etc.
- Enfin, le brown-out désigne le fait que les employé(e)s perdent progressivement leur intérêt pour leur emploi en raison d’un manque de sens ou de pertinence dans leurs tâches quotidiennes. Il peut être causé par une absence de vision ou de direction claire de la part de l’entreprise, un manque d’autonomie ou de responsabilité dans le travail, voire un manque d’opportunités pour mettre en valeur ses compétences et sa créativité.
Symptômes d’alerte : comment savoir si on fait un bore-out ?
Il est important de ne pas confondre l’ennui, qui est un facteur de risque psychosocial, et le bore-out. Ce dernier se caractérise par la manifestation simultanée de plusieurs symptômes. Parmi les manifestations les plus courantes :
- un ennui constant et prolongé au travail, même lorsque vous ne manquez pas de travail ;
- une perte de motivation et de plaisir à travailler ;
- unebaisse de la concentration et de la productivité ;
- une tendance à procrastiner et à remettre les tâches les plus simples à plus tard ;
- une sensation d’isolement social au travail et un manque d’interaction avec ses collègues ou ses superviseurs ;
- un sentiment d’inutilité ou d’inefficacité, associé à une grande culpabilité et à une faible estime de soi ;
- un état de stress, voire de dépression – et tous les symptômes qui s’ensuivent, tels que des troubles du sommeil, des troubles digestifs, une anxiété, une grande fatigue ou une irritabilité ;
- un absentéisme accru ou une tendance à arriver en retard ou à partir plus tôt que d’habitude ;
- etc.
Par ailleurs, le bore-out peut affecter la santé physique en raison d’une inactivité physique, d’une alimentation malsaine et d’un manque de sommeil. C’est pourquoi il est indispensable de consulter rapidement un(e) professionnel(le) de la santé mentale dès l’apparition des premiers signes de désintérêt et d’épuisement.
Quels sont les risques inhérents au bore-out ?
Comme indiqué ci-dessus, à long terme, ce sentiment d’ennui et le manque d’activité et/ou de satisfaction personnelle au travail peuvent engendrer un sentiment de honte, de perte d’estime de soi, voire une dépression. Le bore-out peut aussi avoir des répercussions sur la santé physique des employé(e)s, allant jusqu’à augmenter le risque d’accidents cardiovasculaires.
Par ailleurs, lorsque les employé(e)s sont sous-stimulé(e)s, ils / elles sont plus susceptibles de quitter leur emploi, ce qui entraîne une rotation régulière du personnel et des frais de rotation importants pour l’entreprise. Sans compter que la baisse de leur productivité peut nuire à l’ambiance et à la performance globale de leur entreprise. Enfin, à l’échelle individuelle, les employé(e)s peuvent perdre en compétence et en expérience, ce qui peut impacter leur employabilité à long terme.
Quelles sont les causes de l’ennui au travail ?
Les origines du bore-out peuvent être variées. En cause, le plus souvent ? Un manque de défis, de responsabilités, d’autonomie et de perspectives de développement professionnel qui peuvent conduire à une perte de motivation, une grande fatigue, un isolement social, une baisse d’estime de soi ou encore à une dépression.
D’autres facteurs peuvent aussi entrer en cause :
- une mauvaise communication ;
- un manque de ressources pour effectuer correctement son travail ;
- les conflits avec des collègues ou des superviseurs :
- une absence de reconnaissance ou de soutien :
- etc.
Un manque d’objectifs clairs et une mise au placard délibérée peuvent aussi être en cause. Dans ce cas, l’employeur cherche à pousser son employé(e) à bout : il n’est plus ou peu en relation avec les autres salariés de l’entreprise, on ne lui donne plus de travail à faire, on ne le convoque plus aux réunions, on le dénigre, etc. Cette forme de harcèlement moral vise à le / la faire partie de son plein gré, sans rupture conventionnelle ou licenciement.
Ces facteurs peuvent varier en fonction du poste, de l’entreprise et des employé(e)s concerné(e)s, insiste Mélissa Pangny. Mais il faut que les employeurs soient conscients des risques et travaillent à fournir des tâches stimulantes, des opportunités de développement professionnel, des retours positifs et une communication claire pour éviter l’ennui et maintenir la motivation de leurs employé(e)s.
Certaines personnes sont-elles plus susceptibles de faire des bore-out ?
« Il n’y a pas spécialement de profils à risque, répond Mélissa Pangny. Tout le monde peut s’ennuyer à son poste, quels que soient notre âge, notre expérience ou notre domaine d’activité ! »
Toutefois, les employé(e)s qui ont des postes répétitifs, monotones, ou ne nécessitant pas beaucoup de créativité ou de prise de décision peuvent présenter un risque particulier de bore-out.
Il est également important de noter que le bore-out peut être le résultat de problèmes organisationnels tels que le manque de communication, de direction ou de soutien de la part des supérieurs hiérarchiques.
Et la psychologue d’alerter « Toutefois, si vous vous ennuyez souvent rapidement et changez régulièrement de travail, il faut vous interroger : pourquoi faites-vous aussi rapidement le tour de vos emplois ? Quelles sont réellement vos motivations et vos envies professionnelles ? »
Prévention : comment éviter le bore-out ?
Un bore-out n’est jamais désiré – et encore moins prévisible. Ces quelques conseils permettent de limiter les risques :
- choisir un travail qui correspond à ses intérêts et à ses compétences ;
- s’assurer que son travail est suffisamment stimulant en demandant des projets supplémentaires ou des tâches plus complexes pour éviter l’ennui et rester engagé(e) ;
- établir des objectifs professionnels clairs et atteignables pour rester motivé et engagé ;
- communiquer ouvertement avec son / ses manager(s) et faire part de vos préoccupations si vous vous ennuyez ;
- participer à des formations ou à des programmes de développement professionnel pour rester à jour sur les nouvelles compétences et découvrir de nouvelles perspectives pour stimuler sa curiosité intellectuelle ;
- prendre régulièrement des pauses pour limiter la fatigue mentale et physique, qui peuvent accentuer l’ennui au travail ;
- considérer le télétravail pour vous assurer plus de flexibilité et de liberté pour s’engager dans des activités qui stimulent et divertissent l’esprit.
En somme, la prévention du bore-out consiste à trouver un équilibre entre un travail stimulant et des activités de loisirs qui stimulent l’esprit.
Solutions contre l’ennui au travail : comment le combattre ?
Il est indispensable de prendre les mesures adéquates dès les premiers signes de bore-out, notamment en communiquant avec ses superviseurs, en cherchant des projets stimulants, en établissant des objectifs professionnels clairs, ou en envisageant de changer de poste, voire d’entreprise, si nécessaire. « Le plus souvent, le fait de s’affirmer et de verbaliser pour trouver des solutions permet de trouver des solutions autres que la démission, qui n’est pas toujours indispensable », souligne Mélissa Pangny.
Comment s’en sortir ?
Si la situation vous paraît insurmontable, n’hésitez pas à en parler autour de vous : à votre famille, à votre conjoint(e), à vos amis, voire à certain(e) s de vos collègues qui peuvent vous aider à y voir plus clair. Un entretien avec les ressources humaines peut être envisagé et l’aide d’un(e) professionnel (le) (médecin généraliste, médecin du travail, psychiatre, psychologue) peut aussi être d’un grand secours.
« En consultation, on commence par aider les patient(e) s à comprendre ce qui leur arrive, explique Sylvie Chauvin. On travaille ensuite sur le sentiment de cohérence : les patient(e) s apprennent à identifier les causes de leur malaise, à reprendre le contrôle de leur émotions et à travailler sur leur lien au travail. »
On peut travailler pour une entreprise qui a du sens, mais occuper un poste qui, lui, n’en a pas – et inversement. En général l’un compense l’autre. Mais si ni l’entreprise, ni le poste ne son intéressants, on a l’impression de perdre son temps et son énergie. L’objectif est d’y voir plus clair pour retrouver la voie de l’épanouissement.
- Faites une pause ! Vous vous sentez démotivé(e), affaibli(e) et à bout de nerfs ? N’hésitez pas à consulter votre médecin traitant ou votre médecin du travail qui pourra, si nécessaire, vous arrêtez un moment, le temps que vous puissiez décompresser, prendre soin de vous et réfléchir à l’avenir.
- Demandez de nouvelles tâches ou responsabilités à votre superviseur pour stimuler votre intérêt et maintenir votre engagement. Si besoin, demandez un nouveau poste.
- Fixez-vous des objectifs concrets et réalistes pour avoir l’impression d’avancer et retrouver votre motivation.
- Si votre travail ne vous donne pas l’occasion de travailler sur de nouveaux projets avec d’autres collègues, envisagez de créer un projet personnel pour rythmer votre journée de travail.
- Investissez dans des projets en dehors de votre travail pour stimuler votre bien-être et ajouter de la variété à votre routine quotidienne.
« Si l’ennui et le mal-être persistent malgré tous ces efforts, il est peut-être temps de chercher un nouvel emploi qui correspond davantage à vos intérêts et aspirations », conclut Mélissa Pangny. Cette nouvelle aventure vous donnera un second souffle et vous galvanisera.
En vidéo : « Comment être heureux au travail ? »
