Vous avez certainement entendu parler d’anticorps monoclonaux dans le cadre de la prise en charge de la Covid-19. En effet, ce traitement a été très médiatisé pour lutter contre les formes sévères de la maladie. Mais il est également utilisé depuis de nombreuses années dans la prise en charge de cancers ou de maladies chroniques inflammatoires. Une trentaine d’anticorps monoclonaux sont actuellement commercialisés en France. En quoi consistent-ils exactement ? Comment sont-ils administrés ? Dans quels cas ? Et quels sont leurs effets secondaires possibles ? Éclairages.
Définition : qu’est-ce qu’un anticorps monoclonal ?
Les anticorps monoclonaux sont des anticorps produits à partir d’une seule cellule clonée pour produire un type spécifique d’anticorps. Fabriqués en laboratoire, ils permettent de lutter contre divers agresseurs : virus, bactéries, champignons, cellules étrangères, etc. Concrètement, les anticorps monoclonaux se fixent aux antigènes indésirables pour mieux les détruire — ou du moins, pour les empêcher de se multiplier.
Contrairement aux anticorps polyclonaux, qui sont produits par plusieurs cellules différentes et peuvent cibler plusieurs antigènes différents, ils sont donc hautement spécifiques et permettent de cibler précisément un seul antigène (ce qui en fait un outil inégalable dans la médecin moderne). Plus d’une centaine de molécules sont actuellement commercialisées à travers le monde, dont une trentaine en France, comme indiqué ci-dessus.
Bon à savoir : tous les anticorps monoclonaux ont une dénomination qui se termine par le suffixe « mab » (en référence à l’abréviation Monoclonal AntiBodies). Par exemple : l’adalimumab, le dénosumab, ou l’infliximab, etc.
Comment agit un anticorps monoclonal ? Pourquoi en produire ?
Les anticorps monoclonaux peuvent agir selon plusieurs modes. Certains anticorps peuvent bloquer l’activité d’une protéine spécifique, tandis que d’autres peuvent déclencher la mort de cellules ciblées. Autrement dit, en se liant avec ses cibles biologiques, il peut les neutraliser ou les marquer pour qu’elles soient éliminées par notre système immunitaire.
Comment fabriquer un anticorps monoclonal ? Et qui peut en fabriquer ?
Les anticorps monoclonaux sont produits grâce à des techniques de biologie moléculaire avancées en génétique et en culture cellulaire. Ils ne peuvent pas être obtenus par synthèse chimique et nécessitent la reproduction d’organismes vivants : des bactéries, des levures ou le plus souvent des cellules de souris ou de lapins transgéniques dans lesquels on a inséré des séquences génétiques humaines pour produire un anticorps spécifiquement humain.
Dans un premier temps, les organismes sont exposés à l’antigène désiré et vont produire des anticorps spécifiques. Le gène qui permet d’obtenir les meilleurs anticorps est ensuite extrait avant d’être inséré dans de nouvelles cellules, de mini-usines qui se chargeront de sa multiplication. Les anticorps monoclonaux sont donc le fruit d’une sélection et d’un entretien minutieux des cultures cellulaires, suivi de la purification des anticorps produits.
À noter : tous les laboratoires de recherche en biologie moléculaire ou en immunologie peuvent produire des anticorps monoclonaux, à condition d’avoir les compétences techniques et les équipements nécessaires.
Cancers, polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques… À quoi servent les anticorps monoclonaux ?
Les anticorps monoclonaux peuvent être utilisés dans le cadre de nombreuses applications thérapeutiques. Par exemple :
- Dans la prise en charge de certains cancers : ils aident le système immunitaire à reconnaître et à détruire les cellules tumorales plutôt qu’à s’attaquer directement aux cellules tumorales. Bon à savoir : on parle d’anticorps « conjugués » lorsqu’une molécule de chimiothérapie est attachée à un anticorps qui reconnaît les cellules cancéreuses. Et on parle de thérapie ciblée lorsque des anticorps monoclonaux ciblent une protéine impliquée dans le développement d’un cancer en particulier.
- Dans la prise en charge de maladies auto-immunes inflammatoires chroniques, comme le lupus érythémateux, la sclérose en plaques, le psoriasis, la polyarthrite rhumatoïde, ou encore la maladie de Crohn.
- En cas d’infection virale, de façon préventive : ils empêchent en effet les virus de contaminer notre organisme et empêchent — ou du moins réduisent fortement — les chances d’infection.
- En cas d’infection virale, de façon curative : ils empêchent la propagation de cellules infectées aux cellules voisines.
Et de nouvelles indications ne cessent d’émerger, comme des anticorps antimigraineux, des anticorps qui combattent l’asthme sévère chronique ou l’eczéma atopique persistant, qui régulent le cholestérol, qui limitent le risque de rejet en cas de greffe, ou encore qui permettent de réduire les symptômes de la Covid-19, souligne le Jean-Marie Nguyen, médecin allergologue à l’hôpital Bicêtre et membre de l’association Asthme et Allergies.
Ces anticorps peuvent aussi être utilisés pour détecter des antigènes spécifiques dans des échantillons biologiques, comme dans les tests de grossesse ou les tests de dépistage de maladies infectieuses. Sans oublier qu’ils sont un précieux outil de recherche et permettent aux scientifiques d’étudier les interactions entre les protéines pour développer de nouvelles thérapies.
Covid-19 : des anticorps monoclonaux pour le traitement des patient(e)s à risque de forme grave
En France, l’ANSM autorise l’utilisation d’anticorps monoclonaux pour traiter les patients adultes à risque de forme grave de la Covid-19 et ce, dès l’apparition des symptômes. Seuls trois traitements à base d’anticorps monoclonaux font l’objet d’une autorisation en accès précoce : Ronaprève (bithérapie casirivimab/imdevimab), Xevudy (sotrovimab) et Evusheld (bithérapie tixagévimab/cilgavimab). Tous les trois ciblent spécifiquement la protéine Spike, située à la surface du SARS-CoV-2, et empêche le virus de pénétrer dans les cellules humaines. Les conditions pour en bénéficier sont les suivantes :
- être diagnostiqué(e) positif(ve) par test RT-PCR ou antigénique par prélèvement nasopharyngé,
- présenter des symptômes depuis 5 jours maximum,
- être âgé de plus de 80 ans ou avoir entre 70 et 80 ans et présenter une pathologie chronique,
- être atteint d’un déficit d’immunité lié à une pathologie ou à des traitements, ou être à risque de complications.
Comment sont administrés les anticorps monoclonaux ?
Les anticorps monoclonaux, ne peuvent pas être pris par voie orale, au risque d’être détruits par les sucs digestifs. « Ils sont injectés par voie sous-cutanée ou intraveineuse, selon les cas », explique le Dr Nguyen. Et de préciser : « ce ne sont pas des traitements accessibles en pharmacie de ville. Ils sont le plus souvent administrés en hospitalisation de jour, sous surveillance rapprochée ».
La dose et la fréquence d’administration des anticorps monoclonaux dépendent de nombreux facteurs, notamment de l’objectif thérapeutique, de la pathologie traitée, de la gravité de la maladie et de la réponse individuelle au traitement. Les patient(e)s doivent être suivi(e) s de près pendant le traitement pour surveiller les effets secondaires et l’efficacité du traitement.
Quels sont les effets secondaires d’un tel traitement ?
Les effets indésirables des anticorps monoclonaux peuvent varier selon le médicament et la maladie traitée, ainsi que selon les patient(e)s. Les plus courants sont généralement :
- une fatigue, très fréquente, qui peut être liée à la maladie sous-jacente et à l’administration du médicament (il est difficile de faire la part des choses) ;
- des maux de tête, des nausées et des vomissements ;
- des réactions allergiques, relativement fréquentes, en particulier lors de la première administration. Elles peuvent inclure des éruptions cutanées, des démangeaisons, des difficultés respiratoires, des étourdissements et des nausées ;
- un risque accru d’infections, étant donné que les anticorps fragilisent le système immunitaire ;
- des réactions au site d’injection (douleurs, rougeurs et gonflements) ;
- etc.
Par ailleurs, sauf exception, les femmes enceintes ne sont pas concernées par l’administration d’anticorps monoclonaux, car ces derniers sont susceptibles de franchir la barrière placentaire. Une contraception peut être mise en place pendant toute la durée du traitement en prévention, si ce n’est pas déjà le cas.
Si l’un ou plusieurs d’entre eux surviennent, il est important d’en discuter avec l’équipe qui vous prend en charge ! Seuls des professionnels de santé sont en mesure d’évaluer le bénéfice / risque de ce traitement.