Qu’est-ce que la chirurgie bariatrique ?
La chirurgie bariatrique, aussi appelée chirurgie de l’obésité, est une intervention visant à modifier l’anatomie du système digestif dans le but de diminuer la quantité d’aliments consommés ou de limiter leur assimilation.
Utilisée dans le cadre du traitement de l’obésité, l’objectif est une perte de poids durable et une amélioration de la qualité de vie des patients concernés.
En France, le nombre d’interventions de chirurgie bariatrique a triplé en dix ans et est maintenant estimé à plus de 50 000 opérations par an.
Les différentes techniques
Différentes techniques peuvent être utilisées en fonction du profil du patient, des résultats attendus et des risques opératoires :
- L’anneau gastrique ajustable : un anneau est placé autour de la partie haute de l’estomac créant ainsi une petite poche. Cette technique permet de déclencher une satiété précoce, donc de diminuer la quantité d’aliments ingérés et l’apport calorique. On estime une perte de 40 à 60% de l’excès de poids. La reprise de poids est fréquente après le retrait de l’anneau.
- La sleeve gastrectomy : une grande partie de l’estomac est réséquée ce qui restreint de deux tiers le volume gastrique sans interrompre la continuité digestive. De la même manière que pour l’anneau gastrique, une satiété précoce est déclenchée et les quantités d’aliments ingérés diminuent. Une perte 45 à 65% de l’excès de poids est attendue. Il s’agit de l’opération la plus fréquente et qui offre les meilleurs résultats.
- Le bypass gastrique : un court-circuit d’une partie de l’estomac et de l’intestin est réalisé permettant de diminuer le volume de l’estomac et donc la quantité d’aliments ingérés ainsi que l’assimilation des nutriments. Il s’agit d’une méthode restrictive et malabsorptive qui permet de perdre 70 à 75% de l’excès de poids.
A qui s’adresse la chirurgie bariatrique ?
Pour prétendre à la chirurgie bariatrique, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Il faut avoir un Indice de Masse Corporelle (IMC) supérieur à 40 kg/m2 ou bien supérieur à 35 kg/m2 avec au moins un facteur de comorbidité sévère comme de l’hypertension artérielle, un diabète de type 2, une stéatohépatite non alcoolique, une maladie ostéoarticulaire…,
- La chirurgie doit intervenir après l’échec d’un traitement médical, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant 6 à 12 mois sans qu’il y ai eu une perte de poids suffisante,
- Le patient doit avoir été bien informé et avoir bénéficié d’une prise en charge préopératoire pluridisciplinaire,
- Il ne doit pas présenter de contre-indications à la chirurgie et à l’anesthésie générale.
La chirurgie bariatrique est en revanche contre-indiqué en cas de troubles cognitifs ou mentaux sévères, de troubles du comportement alimentaire non stabilisés, de dépendance à l’alcool et aux substances psychoactives, d’incapacité du patient à participer à un suivi médical prolongé, de maladies mettant en jeu le pronostic vital à court et moyen terme et en cas de contre-indication à l’anesthésie générale.
Chirurgie bariatrique : quels sont les bénéfices ? Y a-t-il des risques ?
La chirurgie bariatrique permet une perte de poids importante et ainsi une diminution des risques de maladies cardiovasculaires, respiratoires et métaboliques. Cette perte de poids peut améliorer considérablement la qualité de vie au quotidien : moins de difficultés à se déplacer, moins de douleurs articulaires, moins d’essoufflement…
Néanmoins, ce n’est pas une opération anodine. Elle comporte des risques de complications liés à l’intervention chirurgicale. Il ne faut pas non plus négliger les effets à moyens terme comme le risque de reprise de poids et de carences vitaminiques.
« L’opération peut avoir des impacts psychologiques importants sur certains patients avec par exemple le développement de troubles du comportement alimentaire comme l’anorexie mentale et de la dysmorphophobie » explique Audrey Raturas, diététicienne-nutritionniste.
Cette perte d’identité et ce changement physique rapide peuvent être déstabilisant et difficile à vivre pour certaines personnes. De plus, « il existe un véritable risque de se couper de la société car les contraintes sont importantes ».
Le suivi pluridisciplinaire post opératoire est une des clés du succès de l’opération.
Comment s’alimenter après une chirurgie bariatrique : la phase de réalimentation post-opératoire
Lors de l’intervention, le corps, et notamment l’estomac, subi un stress important. La réalimentation doit donc se faire de manière douce avec une adaptation progressive des textures.
Chaque établissement et chaque chirurgien a son protocole de réalimentation, voici un exemple :
- Première phase : l’alimentation sera lisse pour éviter d’irriter l’estomac qui a déjà été sensibilisé par l’opération. On privilégiera les aliments type bouillon, compote et yaourt pendant 2 à 3 jours.
- Deuxième phase : l’alimentation sera mixée et fractionnée en 3 repas principaux et 2 à 3 collations dans la journée pour couvrir les besoins et éviter la perte de masse musculaire. Les protéines doivent être consommées en premier puis les féculents et enfin les légumes qui ne sont pas une priorité au début car peu énergétique. « On conseille à nos patients de mixer les aliments séparément et ne pas tout mélanger dans l’assiette pour pouvoir prioriser les protéines », explique Anthonin Bermond, diététicien-nutritionniste. Il est également important de manger doucement et de bien macher les aliments. Cette phase dure environ 2 semaines.
- Troisième phase : il faudra privilégier une alimentation molle, qui peut s’écraser sous la fourchette pendant environ 1 semaine. On essaie également d’augmenter un peu plus les quantités pendant les repas et on peut supprimer une collation si on mange suffisamment pendant les repas. Les protéines devront encore être priorisées.
- A la fin du premier mois, on peut recommencer à manger normalement et faire 3 repas par jour et 1 collation. « Lors d’une sleeve, une partie de l’estomac contenant la ghréline, l’hormone de la faim, est réséquée. Le patient ressent donc moins la sensation de faim au début. Pour éviter la dénutrition, il est important de manger à heure fixe même si la faim n’est pas présente », insiste Audrey Raturas.
Quels sont les changements alimentaires à mettre en place sur le long terme ?
La composition des repas
« Le plus important est d’avoir une alimentation variée et équilibrée en évitant le grignotage et les boissons sucrées pour que l’opération soit utile. Il faudra faire attention aux produits riches en dehors des repas qui favorisent le dumping syndrome » explique Audrey Raturas. Le dumping syndrome est une sensation de malaise très désagréable qui se manifeste lorsque des aliments gras ou sucrés arrivent trop vite dans l’intestin grêle. Cela peut durer quelques heures.
Les repas doivent inclure une source de protéines, une portion de féculents complets de préférence et une portion de légumes. On favorisera les glucides complexes plutôt que les glucides simples qui sont plus rassasiants.
Après l’opération, il peut y avoir une évolution dans les préférences alimentaires et des altérations sensorielles. « Certaines personnes ne parviennent plus à manger de la viande rouge. Ils trouvent ça difficile à macher et à digérer ce qui provoque une sensation de dégout. » rapporte Anthonin Bermond. Plus globalement, les sources de protéines comme la viande, le poisson ou les œufs peuvent être difficiles à manger les premiers mois pour certaines personnes. Cela peut être problématique car la consommation d’une source de protéines à chaque repas est essentielle pour éviter la perte de masse musculaire. Dans ce cas-là, on pourra privilégier les produits laitiers et les protéines végétales comme les légumineuses. Un suivi diététique sera nécessaire pour s’assurer d’une bonne couverture des besoins protéiques.
Les repas étant moins conséquents, le risque de carences en vitamines et minéraux est important après une chirurgie bariatrique. Une supplémentation est parfois nécessaire surtout pour la vitamine B12, la vitamine D et le calcium. Dans le cas d’un by-pass, la supplémentation à vie est indispensable.
Combien de repas par jour ?
Le nombre de repas sur la journée sera à adapter en fonction des quantités que le patient est capable de manger pendant les repas. Certaines personnes auront du mal à manger de grands volumes et fractionneront leurs repas sur 5 à 6 prises sur la journée quand d’autres feront 4 repas pour couvrir leurs besoins. Ces éléments seront également à adapter en fonction de la perte de poids.
Quels sont les aliments à éviter ?
Les boissons gazeuses et les chewing-gums sont strictement interdits car ils favorisent l’aérophagie susceptible de provoquer des fistules et, sur le long terme, de dilater l’estomac impactant l’efficacité de la chirurgie. L’alcool est également fortement déconseillé.
L’hydratation
Après une chirurgie bariatrique, les recommandations restent les mêmes : il est important de boire minimum 1,5 litre d’eau par jour. « Il faut boire par petites gorgées tout au long de la journée et pas pendant le repas pour éviter les vomissements. On évite de boire juste avant le repas pour ne pas se couper l’appétit et on attend minimum 30 minutes après le repas », explique Anthonin Bermond.
Après l’opération, certaines personnes peuvent être dégoutées par l’eau sans qu’on sache l’expliquer. Le thé, les tisanes ou bien l’eau avec des fruits infusés peuvent faciliter la consommation d’eau. En revanche, il est préférable d’éviter les sirops qui sont très sucrés.
Comment reconnaitre qu’on a trop mangé pendant un repas ?
Après un repas trop important, des douleurs abdominales très fortes apparaissent voire des vomissements.
« Normalement il faut ressentir une sensation agréable à la fin du repas. Si des douleurs abdominales apparaissent, c’est qu’on est allé au-delà de la satiété » explique Anthonin Bermond. Avec le temps et l’expérience, il est plus facile de la reconnaitre.
Que faire en cas de frustration ?
Après une chirurgie bariatrique, la frustration peut être importante et le plaisir alimentaire difficile à retrouver. La faim est moins présente, les quantités sont diminuées. « Le travail réalisé avant l’opération est encore une fois essentiel pour gérer la frustration. On apprend à se faire plaisir avec le goût, en choisissant des produits de qualité, plutôt qu’avec de la quantité. Le suivi psychologique est également très important avec un travail d’acceptation à réaliser » évoque Audrey Raturas.
Les quantités pourront également être augmentées légèrement et progressivement pour limiter la frustration.
Peut-on pratiquer une activité physique ?
Après l’opération, la marche est conseillée pour limiter la perte de masse musculaire mais on évite de porter des charges lourdes pendant un mois. Après un mois, la reprise d’une activité physique adaptée et régulière est encouragée.
En quoi consiste le suivi post-opératoire ? Est-ce important ?
Le suivi pré-opératoire dure 6 à 12 mois et est un élément essentiel dans la réussite de l’opération. « Plus le patient est préparé à ce qui l’attend, mieux les suites post-opératoires se passeront » explique Audrey Raturas. Les consultations pré-opératoires et les ateliers d’éducation thérapeutique sur diverses thématiques sont indispensables : équilibre alimentaire, fausses croyances, écoute des sensations corporelle, reconnaissance de la faim et de la satiété…
Un suivi post-opératoire régulier et pluridisciplinaire faisant intervenir le chirurgien, un psychologue, un diététicien et un enseignant en activité physique adaptée est également nécessaire. Même si les rendez-vous peuvent s’espacer dans le temps, le suivi doit durer toute la vie.
Nombreux sont les patients qui ne viennent plus aux rendez-vous une fois qu’ils vont mieux et qu’ils ont perdu du poids. « Pourtant, ce suivi est très important pour maintenir la perte de poids et éviter l’échec de l’opération. Il ne faut pas oublier que l’obésité est une maladie chronique, le suivi à vie est indispensable » insiste Audrey Raturas.
Financièrement, ce n’est pas toujours simple d’observer le suivi. Certaines consultations ne sont pas remboursées par l’assurance maladie comme les consultations diététiques et psychologiques mais de plus en plus de mutuelles les prennent en charge. Il existe également des parcours en clinique ou en hôpital pris en charge entièrement. Vous pouvez vous renseigner auprès de votre médecin.
Combien de kilos et sur combien de temps peut-on perdre du poids ? Y’a-t-il un risque de reprise de poids ?
« C’est très difficile à dire et ça dépend vraiment du patient, de ses efforts et de sa physiologie. Généralement il y’a une perte de poids rapide juste après l’opération puis la perte devient plus lente et se stabilise au bout de quelques mois. »
« Le risque de reprise de poids est bien réel, ce n’est pas une opération miracle. Les conseils hygiéno-diététiques doivent être suivis et le grignotage régulier supprimé » ajoute Audrey Raturas.
Dans le cas d’obésités sévères, la chirurgie bariatrique peut être une aide précieuse qui sauve des vies. C’est une opération à prendre au sérieux, qui doit être murement réfléchie en ayant conscience des impacts sur la vie quotidienne et des changements à opérer avant même l’intervention.
Il est primordial d’être bien entouré et d’avoir un suivi médical régulier.